Un soir, en rentrant du boulot, ça vous dirait de manger un plat de Jérôme Ferrer, grand chef Relais&Châteaux? Ce sera possible à compter de mars prochain, sans réserver dans l'un des restaurants du Groupe Europea. Le chef Ferrer s'apprête, en effet, à lancer une gamme de prêt-à-manger de luxe, vendue au supermarché.

«Beaucoup de gens m'ont proposé un partenariat, me disant qu'ils produiraient pour moi et estampilleraient mon nom sur les produits, dit le chef originaire du sud de la France. Ce n'est pas du tout ce que je veux faire. Mon projet est risqué et audacieux à la fois: je veux avoir le contrôle des opérations à 100%.»

Avec ses associés de toujours, amis depuis l'école hôtelière, M. Ferrer ouvrira en février le Centre de développement agroalimentaire tradition et qualité (CDA-TEQ). Dans un local de près de 9000 pieds carrés de Griffintown, une cinquantaine de cuisiniers et de pâtissiers prépareront les produits de la gamme Jérôme Ferrer. Il y aura un potage, une salade repas, un plat du jour, des pains, une sauce, une crème glacée et une pâtisserie. Les plats salés seront sous la responsabilité de M. Ferrer, tandis que le sucré sera dirigé par Jean-Marc Guillot, lauréat du prix de meilleur ouvrier de France.

Un investissement de deux millions de dollars (pour la première phase de développement) permettra de faire «quelques milliers de plats au quotidien», indique le chef. «On veut mettre l'accent sur les produits d'ici et valoriser le savoir-faire humain, fait-il valoir. On ne souhaite en rien créer une usine qui sortira 200 000 plats par jour.»

Des produits plus chers

La recette du premier plat comprendra du Migneron de Charlevoix, un fromage à pâte demi-ferme. «Si quelqu'un est capable de développer un classique au Migneron au Québec, c'est bien Jérôme Ferrer», témoigne Maurice Dufour, qui produit ce fromage à Baie-Saint-Paul.

Par le passé, sa maison d'affinage s'est dissociée d'autres produits transformés, par peur d'une éventuelle contamination. «Ce sera maintenant fait de façon intelligente, avec les bonnes personnes», assure-t-il.

Y aura-t-il suffisamment de consommateurs prêts à acheter un plat signé Ferrer au supermarché, où l'on a l'habitude de trouver des aubaines? «Nous préparons une gamme premium au niveau de la qualité, pas du prix, répond le chef. Honnêtement, ce seront les mêmes tarifs, peut-être 10 à 15% plus chers.»

À l'épicerie, des gens achètent les économiques cartons de 2 L de crème glacée, mais d'autres craquent pour les pots de 500 ml du Bilboquet. «Il y a de l'intérêt pour les produits transformés de qualité, avec des produits d'ici», estime M. Ferrer.

Sous-traitant pour petits producteurs

Les produits Ferrer seront frais, «avec une date de péremption courte», qui évitera d'avoir à «ajouter un taux de sel ou de sucre absurde, dit le chef. Je pense d'ailleurs que le défi de demain, c'est d'améliorer la valeur nutritionnelle des aliments.»

Le CDA-TEQ servira aussi de sous-traitant pour de petits agriculteurs qui voudraient transformer leurs produits. «Aujourd'hui, personne ne répond à leurs besoins, souligne M. Ferrer. Quand on sait combien ça coûte de monter un laboratoire de production, on comprend que plusieurs ne risquent pas de le faire eux-mêmes.»