La récession sera encore moins profonde qu’envisagé il y a à peine trois mois, selon la plus récente étude trimestrielle de Deloitte qui doit faire le point mardi sur les perspectives économiques canadiennes.

Plutôt qu’une baisse de 1 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, les experts de Deloitte croient maintenant que le recul sera de 0,5 % en 2023.

« C’est largement dû au fait que le marché du travail demeure très robuste. Il s’est ajouté 240 000 emplois nets au pays entre novembre et février », souligne en entrevue Mario Iacobacci, associé, services-conseils en économie, chez Deloitte Canada.

« On peut parler essentiellement d’une récession sans pertes d’emplois. C’est quasiment ça pour l’instant. »

Deloitte estime toujours que le pays est plongé en récession depuis le début de l’année et s’attend à une baisse de 2,4 % du PIB pour les trois premiers mois de l’année et à une baisse de 2,7 % pour le deuxième trimestre par rapport à l’an passé. Le PIB enregistrera toutefois une hausse de 0,2 % au troisième trimestre et de 1,7 % au dernier trimestre de 2023, selon Deloitte.

Bientôt une reprise en immobilier

Le cabinet-conseil entrevoit par ailleurs la fin du ralentissement dans le marché immobilier. « Le creux sera atteint au cours du troisième trimestre cette année parce qu’on s’attend à ce que la Banque du Canada commence à réduire les taux d’intérêt au quatrième trimestre », lance Mario Iacobacci.

Les baisses de taux prévues à compter de la fin de l’année et tout au long de l’année 2024 marqueront le début de la reprise du marché de l’habitation, selon Deloitte.

PHOTO FOURNIE

Mario Iacobacci

Mario Iacobacci reconnaît néanmoins que l’impact des hausses de taux successives n’est pas encore entièrement escompté en raison des renouvellements d’hypothèques qui devront se faire au cours des prochaines années et qui verront des ménages faire face à d’importantes hausses de coûts d’emprunt.

Si le secteur demeure « extrêmement sensible » à des hausses de taux, il note que les perspectives du marché du logement restent très bonnes à moyen terme en raison notamment de la pénurie de logements dans les grands centres du pays.

À moyen terme, Deloitte estime que le marché de l’habitation semble prometteur. Une croissance importante de la population, attribuable à l’augmentation des cibles d’immigration, augmentera considérablement la demande de logements et, par le fait même, favorisera la relance des prix des habitations et de l’investissement résidentiel (mises en chantier et projets de rénovations), lit-on dans l’étude.

Les Canadiens continueront cependant de réduire leurs dépenses à court terme, souligne Deloitte. Les baisses durant la première moitié de l’année seront attribuables à la diminution des dépenses consacrées aux biens durables sensibles aux taux d’intérêt, comme les véhicules automobiles et les pièces pour véhicules automobiles, et aux biens semi-durables discrétionnaires, comme les vêtements et les chaussures, est-il précisé.

« Malgré le fléchissement de la consommation en général, les dépenses dans le secteur des services devraient continuer d’augmenter, même si certains segments comme l’hébergement, les aliments et boissons, les communications, le divertissement et la culture connaîtront une baisse des dépenses à court terme. »

En ce qui concerne l’année prochaine, Deloitte croit que la forte croissance de la population, la réduction des pressions inflationnistes et l’allègement des taux d’intérêt amèneront les consommateurs à délier de nouveau leur bourse, alors que les dépenses de consommation réelles devraient augmenter de 2,6 %.

Budget d’Ottawa

Les experts de Deloitte suivront évidemment avec intérêt le dépôt du budget fédéral mardi à Ottawa.

« Le défi est de maintenir un certain contrôle des dépenses tout en en adressant les priorités. Il y a un équilibre à gérer », dit Mario Iacobacci.

« Le contrôle des dépenses est important pour contenir l’inflation. On ne veut pas encourager la Banque du Canada à augmenter les taux d’intérêt encore davantage. C’est donc très important de garder le contrôle des dépenses. »

Le gouvernement veut aider les ménages qui font face à la hausse des coûts d’emprunt et aux pressions inflationnistes, mais ses outils sont limités, dit-il.

« On va surveiller la hausse des dépenses, surtout la hausse des dépenses discrétionnaires, car la majorité des dépenses ne sont pas discrétionnaires, c’est-à-dire qu’elles reviennent de façon récurrente année après année. »

Le gouvernement a très peu d’influence sur ces dépenses, souligne Mario Iacobacci. C’est par contre une autre histoire pour les dépenses discrétionnaires comme celles pour le logement abordable, par exemple. Et c’est sur ces postes de dépenses que les observateurs garderont l’œil. « Est-ce que les dépenses discrétionnaires demeureront raisonnables, autour d’une hausse de 3 à 4 % en dollars courants (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) ? »