(Ottawa) Une aide financière pour les personnes à faible revenu accablées par la hausse du coût de la vie, la création d’un régime canadien de soins dentaires d’ici la fin de l’année, un bouquet de crédits d’impôt pour doubler la production d’énergie propre d’ici 2050 et la promesse d’un meilleur contrôle des dépenses : la ministre des Finances Chrystia Freeland a déposé mardi un budget qui s’inscrit dans la tradition interventionniste du gouvernement Trudeau depuis son arrivée au pouvoir.

Au moment où l’économie canadienne montre des signes de ralentissement, ce troisième budget de la ministre Freeland est encore écrit à l’encre rouge – un déficit de 40 milliards de dollars est prévu durant l’exercice financier 2023-2024. Résultat : le retour à l’équilibre budgétaire demeure un projet lointain et incertain. Le déficit devrait atteindre les 14 milliards de dollars en 2027-2028, selon les projections du ministère des Finances.

Mais la ministre Freeland soutient que ce plan budgétaire de 490 milliards de dollars – les dépenses d’Ottawa totalisaient 347 milliards en 2018-2019 – est taillé sur mesure pour permettre au pays de tirer son épingle du jeu de la transformation économique « la plus importante depuis la révolution industrielle » qui s’amorce.

« Nos alliés et partenaires du monde entier, principalement les États-Unis, investissent massivement pour bâtir des économies propres et les industries carboneutres de demain », a exposé Mme Freeland dans son discours à la Chambre des communes, en faisant allusion aux 378 milliards US en investissements et en crédits d’impôt prévus dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA) de l’administration Biden pour accélérer la transition énergétique, entre autres choses.

Énergie propre

Le Canada n’ayant pas à sa disposition le même arsenal financier que les États-Unis, la ministre Freeland propose une série de crédits d’impôt qui pourraient atteindre 82,7 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie afin d’attirer des investissements dans le secteur de l’énergie propre.

Des crédits d’impôt remboursables variant de 15 % à 40 % cibleront les projets pour la production d’électricité propre, la fabrication de technologies propres, la production d’hydrogène propre et les projets de captage, d’utilisation et de stockage de carbone, entre autres.

Pour devenir « une superpuissance de l’électricité propre » et répondre à la demande qui devrait doubler d’ici 2050 en raison notamment de l’électrification des transports, Ottawa se montre ouvert à l’idée d’offrir des crédits d’impôt remboursables aux sociétés d’État comme Hydro-Québec et BC Hydro – une première. Le gouvernement Trudeau veut aussi mettre davantage à profit la Banque d’infrastructure du Canada pour accélérer la transition énergétique.

« Remboursement pour l’épicerie »

Face à la hausse du coût de la vie, la ministre Freeland a confirmé que le gouvernement fédéral offrira une aide ciblée aux moins fortunés. Ce « remboursement pour l’épicerie » permettra d’aider 11 millions de ménages canadiens. Cela prendra la forme d’un paiement unique qui sera distribué en crédit TPS. En vertu de cette mesure, une personne seule pourra obtenir jusqu’à 234 $, un couple ayant deux enfants aura droit à un maximum de 467 $ et une personne âgée pourrait recevoir jusqu'à 225 $. « Nous savons tous que nos amis et nos voisins vulnérables subissent encore les conséquences de la hausse des prix », a noté la ministre Freeland.

Respectant sa promesse faite au NPD, le gouvernement allouera 13 milliards de dollars sur cinq ans à compter de cette année – et 4,4 milliards de dollars par année par la suite – afin de créer le régime canadien de soins dentaires. Ce programme, qui a commencé à être mis en œuvre l’automne dernier, couvrira d’ici 2025 les soins dentaires non assurés des personnes dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $.

Le budget fédéral confirme aussi la hausse des transferts en santé aux provinces de 46 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, comme le prévoit l’entente conclue entre Ottawa et les provinces le mois dernier.

Également dans le domaine de la santé, le gouvernement fédéral va de l’avant avec un service 9-8-8 pour la prévention du suicide, qui obtiendra un financement de 158,4 millions de dollars sur trois ans. Et dans la foulée du renversement de l’arrêt Roe c. Wade aux États-Unis, Ottawa entend verser 36 millions de dollars sur trois ans pour renouveler le Fonds pour la santé sexuelle et reproductive afin de soutenir les organismes communautaires au pays qui facilitent l’accès à l’avortement.

Ukraine et ingérence chinoise

Alors que la Russie continue son offensive militaire en Ukraine, la ministre Freeland annonce dans son budget un nouveau prêt de 2,45 milliards au gouvernement ukrainien afin de l’aider à fournir des services essentiels à sa population. Ce prêt sera versé par l’entremise du Fonds monétaire international. En outre, une aide financière de 115 millions de dollars est prévue pour la réparation du réseau électrique de Kyiv.

Secoué par les allégations d’ingérence de la Chine lors des élections fédérales de 2019 et de 2021, le gouvernement Trudeau annonce la création d’un Bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère, qui relèvera du ministère de la Sécurité publique. Ce bureau coûtera 13,5 millions de dollars durant les cinq premières années et disposera d’un budget annuel de 3,1 millions par la suite. En outre, la GRC se voit accorder 48,9 millions sur trois ans pour protéger les diasporas à risque contre le harcèlement et l’intimidation de régimes autoritaires comme la Chine, la Russie et l’Iran et lancer des enquêtes.

Pour ce qui est de la rigueur budgétaire promise par la ministre Freeland, des experts sont sceptiques. « Les chiffres sont éloquents. Depuis le budget de 2021, le gouvernement Trudeau a engagé plus de 345 milliards de nouvelles dépenses sur cinq ans », a commenté Robert Asselin, premier vice-président au Conseil des affaires et ancien proche collaborateur de Justin Trudeau et de l’ex-ministre des Finances Bill Morneau.

Étant minoritaires à la Chambre des communes, les libéraux de Justin Trudeau auront besoin de l’appui du NPD pour faire adopter ce budget. Le chef du NDP, Jagmeet Singh, a fait savoir que son parti va l’appuyer.

Ils ont dit…

PHOTO PATRICK DOYLE, REUTERS

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh

Oui, on va appuyer ce budget parce qu’on va élargir les soins dentaires pour inclure nos aînés, les enfants de moins de 18 ans et les gens qui vivent avec un handicap.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

Ça n’a pas de bon sens ! Les Canadiens ne peuvent plus payer la facture pour cette coalition et c’est pour ça que le Parti conservateur votera contre ce budget inflationniste.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

PHOTO PATRICK DOYLE, REUTERS

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet

Le gouvernement de Justin Trudeau et Jagmeet Singh abuse du déséquilibre fiscal, des crédits périmés et d’un système de santé sous-financé pour remplir les engagements lui permettant de se maintenir au pouvoir.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet