On n’a pas fini d’entendre parler de cathodes, d’anodes et de cellules de batteries. La filière québécoise des batteries continuera à grossir en 2023. Mais le temps est aussi venu de la faire sortir de terre.

Un autre fabricant de matériaux de cathodes est attendu au Québec et le gouvernement Legault dit travailler « très fort » pour convaincre un cellulier – le chaînon manquant de l’écosystème – de s’établir ici plutôt qu’aux États-Unis. D’autres annonces sont attendues dans la filière québécoise des batteries, mais une priorité s’ajoute cette année : commencer à livrer ce qui a été promis.

« La clé pour moi, c’est la pelle dans la terre. Il faut en voir deux ou trois », répond d’emblée le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, en entrevue avec La Presse, lorsqu’on l’interroge sur les défis de 2023.

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Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Les 12 derniers mois ont été chargés puisque des multinationales étrangères comme BASF et General Motors/POSCO (fabrication de cathodes, principal élément de la batterie lithium-ion) et Vale (sulfate de nickel) ont tour à tour annoncé des projets dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, l’endroit choisi par le gouvernement Legault pour mettre sur pied la filière.

Toutefois, les ententes n’ont pas été finalisées en bonne et due forme. On ignore toujours l’ampleur de l’aide financière qui sera consacrée aux projets de BASF et de GM/POSCO. Cette étape doit donc être franchie avant que l’on puisse procéder aux premières pelletées de terre et annonces officielles, l’étape qui confirmera que le Québec est véritablement en train de faire sa place dans l’écosystème nord-américain. La phase de construction démarrera en 2023 pour des projets comme Nemaska Lithium (hydroxyde de lithium), mais le ministre veut voir les multinationales s’activer.

« La beauté, c’est qu’ils ont la même pression que nous, dit M. Fitzgibbon.

J’ai la pression de livrer parce qu’on a annoncé les projets, et eux autres, c’est de livrer des cellules de batteries. La pression des constructeurs automobiles est énorme.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Toujours aux balbutiements

À l’instar de l’Europe, l’Amérique du Nord tente de réduire sa dépendance à la Chine en matière d’approvisionnement de minéraux critiques et de fabrication de batteries. Tout le monde tente d’obtenir sa part du gâteau, mais il faut pouvoir tenir ses engagements. Le temps est donc venu de faire sortir les projets de terre.

Recyclage Lithion, qui entend achever la construction de sa première usine de recyclage de batteries dans la région montréalaise – le site n’a pas encore été dévoilé – au troisième trimestre, se trouve dans cette situation.

« [Il s’agit] de livrer ce qu’on a annoncé, affirme le président de la jeune pousse, Benoit Couture. On met en place le réseau pour s’approvisionner en batteries dans le Nord-Est américain et au Canada. On a acheté les équipements majeurs. Les contrats ont été donnés pour fabriquer d’autres modules. C’est en cours dans des ateliers au Québec. »

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Benoit Couture, président de Recyclage Lithion

En matière de fabrication de cathodes, La Presse avait déjà éventé, en novembre dernier, l’intérêt de Ford. Les pourparlers ne se font pas exclusivement avec le constructeur américain, dit le ministre. Québec travaille toujours d’arrache-pied pour compléter la chaîne d’assemblage des batteries. Il y a toujours un chaînon manquant : un cellulier – responsable de la dernière étape avant l’assemblage des batteries. Britishvolt et StromVolt, qui faisaient miroiter des projets, ont fait marche arrière l’an dernier.

« Le cellulier à qui on parle, je ne donnerai pas son nom. Son choix, c’est entre nous autres et les États-Unis, lance M. Fitzgibbon. On travaille très fort. »

Si on me demande les chances de succès [de trouver un cellulier], c’est probablement 50-50. Il y a un an, je disais : « Tant mieux si on en a un. » Là, je suis plus agressif.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Le ministre de l’Économie convient que l’Inflation Reduction Act (IRA) de l’administration Biden, avec son enveloppe de 370 milliards US destinée à notamment financer des projets de fabrication de batteries, lui complique la tâche. Il s’attend à voir le gouvernement Trudeau mettre la main à la pâte dans son prochain budget.

Pas le temps de chômer

Il n’y a pas que Québec et les entreprises qui ont de la pression. La Société du parc industriel et portuaire de Bécancour (SPIPB) fait également des pieds et des mains pour répondre aux besoins des entreprises qui viennent s’établir. L’endroit offre l’accès à un port en eau profonde ainsi qu’à des installations ferroviaires, mais la partie sud – qui accueillera les multinationales comme BASF et GM/POSCO – doit être aménagée. On parle d’aménagement des voies de desserte, du réseau d’eau, des égouts ainsi que du lien avec le chemin de fer.

En poste depuis l’été dernier, le président-directeur général Donald Olivier ne chôme pas.

« Le défi, c’est le temps qu’on n’a pas, dit-il en entrevue. Ce sont des échéanciers assez agressifs. L’avion a décollé, mais la piste d’atterrissage, il faut la construire. Les entreprises veulent commencer à produire en 2025. »

La machinerie lourde s’active depuis juin dernier dans le parc industriel. La SPIB n’a pas l’habitude d’être le maître d’œuvre d’un chantier. Pour la « grosse année » en 2023, la société d’État est épaulée par le géant québécois de la construction Pomerleau. La facture pour préparer le terrain est estimée à 350 millions. Les prévisions financières tiennent toujours la route, affirme M. Olivier.

Les projets à chacune des étapes de la filière des batteries

EXTRACTION

  • Nemaska Lithium
  • Nouveau Monde Graphite
  • Sayona Québec
  • Métaux Blackrock

RAFFINAGE

  • Nemaska Lithium
  • Nouveau Monde Graphite
  • Sayona Québec

FABRICATION DE COMPOSANTS

  • General Motors/Posco (cathodes)
  • BASF (cathodes)
  • Nano One (cathodes)
  • Solus Advanced Materials (anodes)

CELLULIERS

  • Aucune entreprise pour l’instant

ASSEMBLAGE DE BLOCS-BATTERIES

  • Lion Electrique

CONSTRUCTION DE VÉHICULES

  • Lion Electrique (camions et autobus scolaires)
  • Taïga
  • Nova Bus (autocars urbains)
  • BRP (motoneiges et motomarines)
  • Letenda (autobus)
  • LST Marine (bateaux)

RECYCLAGE

  • Recyclage Lithion
En savoir plus
  • 10 milliards
    D’ici la fin de l’année, ampleur des investissements qui auront été annoncés dans la filière québécoise des batteries depuis ses débuts
    Source : investissement Québec