Le marché de l’emploi donne des signes de ralentissement au Canada, mais pas au Québec, où il s’est créé plus d’emplois que dans le reste du pays en novembre, et où le taux de chômage est descendu à son niveau le plus bas de tous les temps, à 3,8 %.

Le record précédent de 3,9 % avait été établi en avril 2022, a indiqué vendredi Statistique Canada.

L’économie québécoise a créé 28 000 emplois le mois dernier, une augmentation concentrée dans la région métropolitaine de Montréal qui recense 25 000 emplois de plus. Le taux de chômage est resté inchangé à 4,2 % dans la région de Montréal et s’est établi à 2,7 % à Sherbrooke, le taux le plus bas au Québec.

Au Canada, il s’est créé 10 000 emplois en novembre, ce qui est un net recul par rapport aux 108 000 emplois de plus du mois précédent. Le taux de chômage a légèrement baissé, de 5,2 % à 5,1 %.

Coup de théâtre

La résilience du marché du travail continue de surprendre les économistes, qui s’attendent depuis plusieurs mois à ce que l’inflation et les hausses successives des taux d’intérêt se traduisent par une remontée du taux de chômage.

« Les chiffres publiés par Statistique Canada prennent des allures de coup de théâtre », a commenté Joëlle Noreau, économiste de Desjardins. « Les indicateurs économiques pour le Québec signalent un ralentissement prononcé depuis l’été », a-t-elle noté, et ce ralentissement n’est pas encore apparent dans l’emploi.

« Tout n’est pas rose dans ce rapport », tempèrent les économistes de la Banque Nationale Matthieu Arsenault et Alexandra Ducharme : même si trois provinces, dont le Québec, enregistrent des résultats « spectaculaires », les sept autres ont connu leur pire performance depuis le mois de mai. Ils notent les pertes d’emplois dans le secteur de la construction et celui du commerce.

« Bien que les données soient généralement bonnes, estiment-ils, nous continuons de croire que le marché du travail se modérera dans les mois à venir. »

Les salaires continuent d’augmenter

Selon Statistique Canada, le salaire horaire moyen a continué d’augmenter en novembre pour atteindre 32,11 $. C’est 5,6 % de plus qu’en novembre 2021.

Au Québec, les salaires augmentent encore plus rapidement que dans le reste du Canada, signe que le marché de l’emploi est plus tendu. Selon l’Institut du Québec, le salaire horaire moyen croît au rythme annuel de près de 6 % au Québec. L’évolution des salaires suit donc de plus près l’augmentation des prix mesurée par l’Indice des prix à la consommation pour le Québec, qui était de 6,4 % en octobre.

Plein emploi et manque de main-d’œuvre

Le Québec est dans une situation de plein emploi, avec un taux de chômage de 3,8 %, mais ce n’est pas un sujet de réjouissance pour les entreprises, selon le président du Conseil du patronat, Karl Blackburn. « La vigueur économique est là, mais le défi reste la pénurie de main-d’œuvre », a-t-il dit lors d’un entretien avec La Presse.

Il y a près de 250 000 postes vacants au Québec, souligne-t-il, ce qui se traduit par un déficit de services dans le secteur public et par des pertes économiques dans le secteur privé.

Le nombre d’emplois vacants dans certains métiers est en forte hausse, selon Statistique Canada, alors que le Canada a la main-d’œuvre la plus scolarisée des pays du G7. Le président du Conseil du patronat reconnaît cette réalité, mais il estime que le manque de main-d’œuvre touche tous les secteurs, sans exception. Il se réjouit que le premier ministre François Legault ait fait un pas de plus vers une hausse de l’immigration dans son discours inaugural. « Les entreprises peuvent bien investir et faire de la formation, mais sans employés, c’est comme pêcher dans un lac vide », dit-il.

Taux d’intérêt : 25 ou 50 points ?

Le portrait de l’emploi et une économie qui croît toujours au rythme annuel de 2,9 % au troisième trimestre compliquent la tâche de la Banque du Canada, qui mise sur un ralentissement pour mater l’inflation.

La prochaine hausse du taux directeur, le 7 décembre, pourrait bien être de 50 points de base plutôt que de 25 points, compte tenu de ces derniers développements. Après six hausses depuis le début de l’année, le taux directeur est actuellement de 3,75 %.

« Nous ne serions pas surpris que la banque centrale attende en janvier avant de réduire le rythme des hausses de taux à 25 points », avance l’économiste en chef de la Banque Laurentienne, Sébastien Lavoie.

Chez Desjardins, on s’attend à une hausse plus modeste de 25 points de base. « La faiblesse de la demande intérieure canadienne au troisième trimestre, des embauches modestes et l’absence de signes d’une accélération de la croissance des salaires font en sorte que le resserrement qui sera annoncé devrait être modeste », estime l’économiste principal Marc Désormeaux.