(Washington) En jeu, l’approvisionnement en maïs, en carburants, et même l’eau potable… Le président Joe Biden tente d’éviter une grève du fret ferroviaire qui ferait dérailler l’économie américaine en plus d’être un échec politique personnel.

« Le président est directement impliqué » dans ce dossier, a dit sa porte-parole Karine Jean-Pierre mardi, en refusant toutefois de donner le moindre détail sur cette implication.

Dans un pays où environ 28 % des marchandises sont transportées par rail, selon une statistique officielle datant de 2019, une paralysie serait « inacceptable à cause de l’impact que cela aurait sur l’emploi, les ménages, les exploitations agricoles, les entreprises et les communautés de ce pays », a-t-elle dit en appelant les partenaires sociaux à négocier « de bonne foi ».

Faute d’accord d’ici le 9 décembre, voire le 5 décembre selon les calendriers des diverses parties prenantes, la première économie mondiale pourrait connaître une grève susceptible de mettre à l’arrêt près de 7000 trains de fret, et de lui coûter plus de 2 milliards de dollars par jour, selon l’Association américaine des chemins de fer.

Un mouvement social d’ampleur affecterait une multitude de secteurs, et jusqu’à l’approvisionnement en eau potable, puisque les produits chimiques utilisés pour le traitement des eaux usées, entre autres, sont majoritairement acheminés par train.

Une grève du fret aurait aussi des répercussions sur le transport de passagers, parce que certains trains de passagers empruntent des voies appartenant aux compagnies de fret.

Cette menace de grève trouve son origine dans un processus de négociations complexe, impliquant 12 syndicats et leurs employeurs, et dans lequel Joe Biden a mis tout son poids politique.

Le risque d’un conflit social d’ampleur existe en réalité depuis des mois et la Maison-Blanche avait déjà évité, de justesse, une grève en septembre.

Biden a-t-il parlé trop vite ?

Le président américain avait même accueilli des partenaires sociaux dans son célèbre bureau Ovale le 15 septembre pour se féliciter de la conclusion d’un accord de principe, après des heures de discussions acharnées ayant buté en particulier sur la question des arrêts maladie.

Il avait même parlé d’une « victoire pour l’Amérique » lors d’un discours aux accents triomphants dans la roseraie de la Maison-Blanche.

Joe Biden s’est-il réjoui trop vite ? Cet accord de principe, dont il s’est attribué en partie le mérite, devait encore être ratifié par les membres des syndicats en question, or sur les 12 organisations concernées, 4 n’en veulent pas jusqu’ici.

Il reste encore deux semaines pour trouver malgré tout un accord avec les employeurs.

Si ce n’était pas le cas, et même si un seul syndicat se mettait en grève, les autres suivraient le mouvement.

La situation est fort délicate pour Joe Biden. Le président américain – grand partisan du transport ferroviaire, lui qui voyageait en train entre Washington et sa famille restée dans le Delaware (nord-est) quand il était sénateur – ne perd jamais une occasion d’affirmer, en général, son soutien aux syndicats.

Mais il ne peut pas se permettre, à un moment où l’inflation flambe déjà aux États-Unis, et avant les fêtes de fin d’année, des problèmes majeurs d’approvisionnement.

Alors que le démocrate de 79 ans réfléchit à une candidature à la présidentielle de 2024, une grève du rail pourrait compromettre l’élan politique qu’il a retrouvé depuis les élections législatives du 8 novembre, qui n’ont pas tourné au triomphe espéré pour l’opposition républicaine.

Une autre possibilité – dont la Maison-Blanche ne veut toutefois pas entendre parler pour l’instant – serait une intervention du Congrès, auquel une loi de 1926 donne des prérogatives pour empêcher une grève ferroviaire.