(Ottawa ) Un resserrement excessif de la politique monétaire par la Banque du Canada plongera l’économie canadienne en récession d’ici la fin de l’année et fera grimper le taux de chômage à 6,4 % en 2023.

Les finances publiques seront aussi affectées. Le déficit du gouvernement fédéral pourrait passer de 25,6 milliards de dollars durant l’exercice financier 2023-2024 à 42,9 milliards de dollars, si la Banque du Canada choisit d’augmenter le taux directeur à 5 % pour juguler l’inflation. Le taux directeur s’élève présentement à 3,75 %.

C’est du moins l’analyse qu'a publiée jeudi dernier le directeur parlementaire du budget (DPB) qui a jugé bon de faire des calculs sur un scénario de risque afin d’évaluer les conséquences économiques si la Banque du Canada resserre encore de quelques crans sa politique monétaire.

« Compte tenu du resserrement excessif de la politique monétaire prévu dans notre scénario de risque, le PIB réel du Canada commence à se contracter au quatrième trimestre de 2022 et continue de diminuer en 2023. Outre les taux d’intérêt plus élevés, cette contraction reflète une détérioration de la confiance des consommateurs et des entreprises, une baisse des prix des produits de base et une croissance plus faible du PIB des États-Unis », a soutenu le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, dans le rapport.

« Le déclin de l’activité économique prévu dans notre scénario de risque touche l’ensemble des dépenses de consommation, des investissements commerciaux et résidentiels et du commerce international. La croissance annuelle du PIB réel en 2023 et en 2024 est de -0,3 % et 1,3 % », a-t-il ajouté.

Résultat : le DPB estime que l’économie canadienne encaisserait une perte d’emplois nette de 177 000 emplois d’ici la fin de 2024, si on compare ce scénario aux dernières prévisions économiques et financières publiées par son bureau en octobre.

Le taux de chômage atteindrait donc les 6,2 % au début de 2024, soit 0,5 point de pourcentage de plus que le taux de 5,7 % projeté dans les perspectives d’octobre.

Dans le scénario de risque, le DPB tient pour acquis que les taux directeurs au Canada et aux États-Unis (à 5,25 %) resteront élevés en 2023 et que les banques centrales commenceront à les abaisser au début de 2024. Ces taux devraient ensuite revenir à un niveau neutre au début de 2025.

« Le scénario à l’étude n’est qu’un des nombreux qui sont possibles. Nous insistons sur le fait que ce scénario ne constitue pas une prévision. Il ne montre qu’une des issues possibles à la situation. Le scénario de risque que nous présentons ne reflète pas de nouvelles données économiques publiées après le 30 septembre ni de mesures fiscales dont nos perspectives économiques et financières d’octobre n’auraient pas tenu compte », a soutenu M. Giroux dans le rapport.

Dans le scénario de risque du DPB, on suppose que le gouvernement n’adoptera ou ne prendra aucune nouvelle mesure en réponse au ralentissement économique.

Le mois dernier, la Banque du Canada a indiqué qu’elle prévoit que le taux d’inflation restera élevé, soit autour de 7 %, d’ici la fin de l’année, avant de diminuer à 3 % à la fin de 2023. Le retour à la cible de 2 % est prévu pour la fin de 2024. Ce sont des estimations légèrement plus optimistes que les précédentes, qui remontent au mois de juillet.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déjà fait savoir qu’il devra augmenter à nouveau le taux directeur en décembre. En octobre, la Banque du Canada a annoncé une hausse du taux directeur de 50 points de base, la sixième depuis le début de l’année, faisant ainsi passer le taux directeur à 3,75 %, du jamais vu depuis 2008.

« Nous nous attendons aussi à ce que le taux directeur doive encore augmenter », avait alors signalé Tiff Macklem. Mais cela pourrait être l’avant-dernière.