Imposer un contrôle des prix et des salaires serait inefficace pour lutter durablement contre l’inflation, concluent les économistes de la Banque Nationale dans une étude spéciale.

La mesure a été adoptée dans les années 1970 avec un succès mitigé, ce qui n’empêche pas des voix de la réclamer à nouveau en 2022.

« Le contrôle des salaires et des prix serait-il une solution ? Nous ne le pensons pas, écrit l’équipe d’économistes menée par Stéfane Marion. Au lieu de tomber dans des mesures populistes qui ne limiteraient l’inflation que temporairement, les autorités devraient plutôt mettre en place des politiques monétaires et budgétaires responsables visant à atténuer les pressions inflationnistes et utiliser les munitions dont elles disposent pour créer les conditions encourageant l’investissement des entreprises pour augmenter le potentiel de leur économie », lit-on en conclusion de l’étude publiée lundi.

Au Canada, un programme de trois ans de lutte contre l’inflation consistant en un contrôle des prix et des salaires a été implanté en octobre 1975 au moment où l’inflation dépassait les 10 %, rappelle la banque. Résultat au bout du processus : les variations sur 12 mois de l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les années 1977 à 1980 ont été respectivement de 9,4 %, 8,6 %, 9,8 % et 11,1 %.

Consultez l’étude de la Banque Nationale

Au mieux, des mesures rigoureuses apportent un soulagement temporaire et risquent d’être abandonnées rapidement, soutient l’institution financière sur la base des leçons apprises de l’histoire.

« N’intégrez pas l’inflation élevée dans les salaires »

Coïncidence, l’étude de la Banque Nationale paraît quelques jours après la sortie du gouverneur de la Banque du Canada conseillant aux propriétaires de PME de limiter les hausses salariales à leurs employés afin de ne pas nourrir une spirale inflationniste.

Les entrepreneurs au pays s’arrachent les cheveux pour trouver de la main-d’œuvre dans un contexte où le nombre de postes vacants avoisine les 225 000 au Québec et les 900 000 au Canada.

« Et mon seul conseil est que l’inflation élevée que nous observons aujourd’hui n’est pas là pour de bon. Donc, lorsque vous vous engagez dans des contrats à long terme ou sur des salaires, ne vous attendez pas à ce que l’inflation reste au niveau actuel. Vous devez vous attendre à ce qu’elle diminue », a dit Tiff Macklem dans le cadre d’un webinaire organisé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). La retranscription de l’évènement est disponible depuis vendredi.

PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES REUTERS

Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada

« En tant qu’entreprise, ne prévoyez pas que le taux d’inflation actuel se maintienne à ce niveau longtemps. N’intégrez pas ça dans les contrats à long terme. Ne l’intégrez pas dans les salaires », a-t-il poursuivi.

« Ce qui nous empêche vraiment de dormir, c’est le risque que les entreprises et les ménages commencent à croire que l’inflation élevée que nous connaissons actuellement est là pour rester. Si cela se produit, si l’inflation élevée s’installe, il sera beaucoup plus difficile de la faire baisser. »

Consultez la transcription de l’entretien de Tiff Macklem à la FCEI (en anglais)

Une spirale inflationniste s’installe quand les entreprises augmentent les salaires pour attirer et garder leurs travailleurs et qu’ensuite, elles passent la hausse des coûts aux consommateurs, qui veulent alors des salaires plus élevés pour compenser l’inflation.

La Banque du Canada a surpris les marchés, la semaine dernière, en haussant son taux directeur d’un point de pourcentage, le portant ainsi de 1,50 % à 2,50 %.

Cette décision est une réaction à l’accélération de l’inflation au pays. Le gouverneur Macklem dit maintenant s’attendre à une croissance de l’IPC supérieure à 8 % en juin et au cours des prochains mois. La variation était de 7,7 % en mai. Aux États-Unis, le chiffre comparable pour juin s’élève à 9,1 %.