Deloitte estime qu’une période de stagflation apparaît plus vraisemblable

Bien qu’un recul marqué de la croissance économique soit à prévoir dès l’an prochain au Canada, et notamment au Québec, Deloitte ne s’attend pas à ce que le pays replonge en récession.

« La bataille n’est pas encore perdue », lance Mario Iacobacci, associé, services-conseils en économie, chez Deloitte Canada. « C’est possible de réussir à faire baisser l’inflation sans engendrer une récession. »

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Mario Iacobacci, associé, services-conseils en économie, chez Deloitte Canada

La direction de ce cabinet de conseils financiers est bien consciente que, pour certains, cette prédiction qu’une récession sera évitée peut sembler optimiste et qu’il s’agit d’un point de vue sensiblement différent du consensus.

Le scénario le plus probable, d’après Deloitte, est celui où la croissance ralentit, mais où l’inflation ne se refroidit que lentement. Une période de stagflation apparaît donc plus vraisemblable qu’une récession, selon Deloitte.

Le produit intérieur brut (PIB) canadien devrait grimper de 3,3 % cette année, avant de ralentir à un rythme de seulement 1,7 % l’an prochain et 1,5 % en 2024, indique une étude qui doit être publiée mardi par les prévisionnistes de Deloitte.

Plusieurs arguments en faveur de la résilience sont mis de l’avant dans le document.

La richesse des ménages

Deloitte souligne notamment que les Canadiens ont amassé plus de 300 milliards de dollars en épargne durant la pandémie, ce qui aide à amortir la hausse du coût de la vie et contribue à ce que les Canadiens continuent à dépenser.

La richesse des ménages a également bondi durant la pandémie, est-il ajouté. « Les gains de richesse devraient demeurer intacts, permettant même une correction des marchés boursiers et des prix de l’immobilier résidentiel. Surtout, les marchés du travail devraient demeurer saturés au cours du ralentissement économique à venir. Le taux de chômage restera faible tandis que de plus en plus de baby-boomers emprunteront le chemin de la retraite. »

Deloitte note aussi qu’il y aura une abondance d’emplois pour les Canadiens en âge de travailler et une forte croissance des salaires, un facteur important pour le sentiment des consommateurs.

Moins sombre qu’il n’y paraît

Si le resserrement des politiques monétaires fera grimper les coûts liés au service de la dette, Deloitte fait remarquer qu’il fera aussi fléchir le taux d’augmentation du coût de la vie, ce qui est favorable aux consommateurs.

La situation n’est donc pas aussi sombre que les manchettes le laissent entendre, indique l’économiste en chef de Deloitte Canada, Craig Alexander, dans l’étude.

L’ex-économiste en chef de la Banque TD convient que l’inflation élevée et la hausse rapide des taux d’intérêt pourraient entraîner une récession, « mais ce n’est pas un acquis ».

Si l’inflation ne diminue pas comme prévu ou que les banques centrales augmentent les taux au-delà des projections (c’est-à-dire à plus de 3 %), un scénario de récession devient alors probable, selon lui.

Attention à l’autosuggestion

Deloitte affirme dans son étude qu’il ne faut pas oublier que les récessions peuvent être des évènements psychologiques.

Les prédictions autoréalisatrices se produisent lorsque tous s’attendent à une récession et agissent comme si elle était inévitable.

Deloitte, dans son étude

Deloitte prévoit un lent recul des pressions sur les prix, alors que l’inflation atteindrait un sommet proche de son taux actuel d’un peu moins de 8 % au troisième trimestre de cette année avant de diminuer progressivement. « Par contre, elle n’atteindra pas la cible de 2 % fixée par la Banque du Canada au moins avant 2025. »

En réaction à l’inflation élevée, la Banque du Canada a commencé cette année à rehausser le taux cible du financement à un jour. Deloitte s’attend à une autre hausse du taux directeur en juillet (50 points de base), suivie de hausses de 25 points supplémentaires en septembre, en octobre et en décembre. « Une dernière augmentation au début de 2023 porterait à 3 % le taux de financement à un jour, qui devrait alors se stabiliser. »

Profitable pour le Québec ?

L’inflation étant plus élevée aux États-Unis, la Réserve fédérale privilégie un rythme de resserrement plus énergique, si bien que Deloitte croit que le taux des fonds fédéraux devrait atteindre 3 % d’ici la fin de cette année.

À court terme, Deloitte estime que le Québec profitera d’une forte croissance des dépenses publiques, mais le taux élevé d’inflation nuira au pouvoir d’achat des consommateurs.

« Jumelé à une plus faible croissance démographique, ce phénomène exercera des pressions sur les dépenses des ménages et les investissements. »

Le resserrement du marché du travail est un autre facteur qui influe sur la croissance et à cet effet, Deloitte souligne que le Québec est au deuxième rang pour le taux de postes vacants au pays, après la Colombie-Britannique. Ainsi, selon Deloitte, le PIB réel du Québec devrait augmenter de 2,9 % cette année, avant de s’établir à 1,3 % l’an prochain.

Le taux de croissance « normale » quand il n’y a pas de choc négatif ou positif est plus aux alentours de 1,5 %, indique Mario Iacobacci.