(Paris) L’embargo partiel de l’Union européenne sur les importations de pétrole russe va contraindre les Européens à se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement, comme en Afrique et en Asie, au risque d’augmenter les prix.  

La Russie, géant du pétrole

La Russie, plus gros exportateur au monde de pétrole, produit quelque 11 millions de barils par jour de brut, dont un peu plus de 5 millions sont exportés.  

La Chine est le premier pays importateur de brut russe, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), mais l’Europe dans son ensemble est à ce jour un client écrasant, avec 2,4 millions de barils/jour l’an dernier.

La Russie exporte aussi 1,5 million de barils par jour de gazole, dont l’Europe et notamment la France - qui n’en produisent pas assez - sont très friandes.

En France, la Russie représente ainsi 10 à 12 % des importations de pétrole brut et 20 à 25 % des importations de gazole (qui elles-mêmes couvrent la moitié des besoins), selon l’UFIP Énergies et Mobilités, qui regroupe les industriels du secteur pétrolier. C’est donc environ un litre de diesel consommé en France sur huit qui venait récemment de Russie.

L’Europe est toutefois beaucoup moins dépendante du pétrole que du gaz russe et il est beaucoup plus facile de trouver des cargaisons alternatives par bateau.

Les 27 ont ainsi décidé un embargo sur le pétrole brut dans les 6 mois et les produits raffinés dans les 8 mois.

L’UE a plus précisément décidé un arrêt progressif des importations de pétrole russe transporté par bateau, soit les 2/3  des achats européens.  

Une exemption temporaire a été prévue pour le pétrole acheminé par oléoduc, afin de lever le veto de la Hongrie, mais l’Allemagne et la Pologne avaient déjà renoncé à importer par ce chemin.

Au total c’est 90 % des exportations de pétrole russe vers l’UE qui seront arrêtées d’ici la fin de l’année, selon les dirigeants européens.

Des alternatives ailleurs

« De nouveaux fournisseurs vont devoir être trouvés pour quelque 3 millions de barils par jour ces prochains mois », estime Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank.

« L’UE semble s’intéresser de manière plus marquée aux pays fournisseurs en Afrique de l’Ouest », relève l’expert, citant des flux en provenance du Nigeria, d’Angola et du Cameroun.

« Il existe déjà en temps normal des alternatives qui sont essentiellement pour le pétrole brut le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord », expliquait récemment à l’AFP Olivier Gantois, président de l’UFIP Énergies et Mobilités.  

Commerzbank cite aussi des contrats pour faire venir d’importantes quantités de pétrole des Émirats arabes unis en juillet.

Outre le brut, l’Europe devra trouver des sources alternatives de gazole (ou diesel), qu’elle ne produit pas en quantité suffisante. L’UFIP mentionne à cet égard « l’Inde, qui est un gros producteur ».  

Le groupe français TotalEnergies a aussi indiqué qu’il mobiliserait « des produits pétroliers en provenance des autres continents, notamment sa part de diesel produit par la raffinerie de Satorp en Arabie saoudite ».

À moyen terme, l’UE veut aussi réduire sa dépendance aux énergies fossiles en accélérant le développement des énergies renouvelables.

Des conséquences sur les prix

Les cours du pétrole, déjà élevés ces derniers mois, progressaient mardi à leurs plus hauts niveaux en deux mois après la décision de l’UE, qui avait toutefois été anticipée.

Le marché ne s’est pas emballé, les experts estimant que les barils russes seront simplement redistribués à bas prix vers l’Asie dans un jeu de « vases communicants » permettant de libérer d’autres cargaisons de pétrole vers l’Europe.

Helima Croft, analyste chez RBC Capital Markets, estime ainsi que les responsables occidentaux s’accommodent de cette « soupape » asiatique pour éviter une envolée des cours.

« Cette stratégie semble reposer sur l’hypothèse que les importateurs asiatiques, et notamment l’Inde, vont continuer à demander des ristournes encore plus importantes pour accepter les produits russes », juge-t-elle.

Pour éviter une envolée des cours politiquement sensible, les puissances occidentales peuvent encore libérer une partie de leurs réserves stratégiques de pétrole.

Surtout, elles espèrent que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) acceptera de pomper plus ces prochains mois pour alimenter le marché. Une perspective toutefois peu probable, car le cartel, allié à la Russie, profite des cours élevés.