Ce n’était pas seulement le décor qui était différent cette année à Davos. Le discours des élites politiques et économiques réunies pour la première fois depuis deux ans l’était aussi.

Le Forum économique mondial, qui se tient en janvier dans le décor blanc des Alpes suisses depuis sa création il y a 50 ans, a pris fin sous la grisaille jeudi dernier. L’évènement s’annonçait festif, alors que le monde sortait lentement mais sûrement de la pandémie pour renouer avec la croissance économique et une certaine normalité.

La réalité de la guerre en Ukraine, des chaînes d’approvisionnement cassées, de l’inflation galopante et de la crise alimentaire imminente s’est invitée à la fête. On était bien loin de la mondialisation triomphante des belles années de Davos.

Aucune vedette n’est venue ajouter un peu de glamour à l’évènement. Peu de gros noms du monde des affaires ont fait le déplacement, et les chefs d’État des principaux pays se sont faits rares, à l’exception du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, qui poursuit sa tournée mondiale virtuelle à la recherche d’appuis, et du chancelier d’Allemagne, Olaf Scholz, qui s’est exprimé lors de la journée de clôture.

Les Russes bannis de l’évènement et la présence ultradiscrète des représentants chinois ont ajouté à la morosité ambiante. Les discussions ont porté davantage sur la guerre et les risques de récession que sur le thème annoncé, vague à souhait, mais qui s’énonçait ainsi : History at a Turning Point : Government Policies and Business Strategies (L’histoire à un tournant – Politiques gouvernementales et stratégies d’affaires).

L’actualité a non seulement bousculé l’agenda du Forum économique mondial, mais elle a aussi peut-être tué sa raison d’être.

Le fondateur de l’évènement, Klaus Schwab, a pu réunir autant de monde dans son village des Alpes pendant des années parce que son crédo était partagé : la mondialisation a réussi à propager la prospérité et à sortir des millions de personnes de la pauvreté.

PHOTO MARKUS SCHREIBER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial

Ces dernières années, le discours avait commencé à évoluer à Davos. Il était question d’inégalités et de changements climatiques, ce qui pouvait donner un second souffle à la coopération internationale. Mais deux ans de pandémie et une guerre pratiquement mondiale ont stoppé ce nouvel élan. Du climat, il n’en a pas été beaucoup question durant la semaine. On retient seulement par exemple que les représentants chinois ont pris l’engagement de planter 70 milliards d’arbres d’ici 2030.

Le scénario du pire

Malgré ses vertus alléguées, la mondialisation n’a pas réussi à éviter la guerre, et les organisateurs du Forum économique mondial en prennent acte. Ses prévisionnistes soulignent maintenant que près des trois quarts des multinationales vont modifier leurs chaînes d’approvisionnement en tenant compte des nouvelles réalités géopolitiques plutôt que de la recherche de l’efficacité1. C’est un coup dur pour la mondialisation.

Dans un livre blanc soumis à la réflexion qui tente de définir ce que sera l’économie mondiale en 2027, quatre scénarios sont envisagés, dont le scénario du pire : celui d’un monde qui retourne vers l’autarcie, en préservant uniquement quelques alliances militaires et stratégiques régionales et sans aucune coopération possible pour affronter le défi des changements climatiques2.

Triste perspective, qui signifierait sûrement la fin du happening de Davos, mais que l’organisation se refuse encore à envisager. « Je sais qu’on se reverra », a dit le président du Forum en concluant cette triste édition de l’évènement.

1. Lisez le rapport Chief Economists Outlook : May 2022 (en anglais) 2. Lisez le livre blanc du Forum économique mondial (en anglais)
En savoir plus
  • 2000
    Nombre de participants au Forum économique mondial cette année. La précédente édition, en 2020, avait réuni 3000 participants.
    Source : Forum économique mondial