(Québec) Avec le spectre d’une récession, le gouvernement Legault doit éviter de distribuer des bonbons électoraux à tous les contribuables, prévient l’Institut du Québec, qui entrevoit également un retour des déficits à partir de 2027 en raison du vieillissement de la population.

« C’est un budget d’année électorale, et le gouvernement a la chance d’avoir plus de revenus. […] Mais il faut vraiment faire attention en raison de l’incertitude », affirme en entrevue avec La Presse sa présidente-directrice générale, Mia Homsy.

« La chose responsable à faire est d’aider un peu les gens de façon ponctuelle et ciblée et de ne pas tout dépenser les revenus excédentaires », ajoute-t-elle.

Il est bien important de concentrer l’aide là où il y a de vrais enjeux, et pas juste que tout le monde ait un chèque avant les élections.

Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec

Comme chaque année, l’Institut a effectué des projections sur 10 ans de l’état des finances publiques au Québec, cette fois-ci pour les années fiscales allant de 2022-2023 à 2032-2033. Il estime qu’en raison de la force de la reprise économique au Québec, les efforts requis pour rééquilibrer le budget seront moins importants que prévu. En tenant compte des versements au Fonds des générations, le déficit à résorber se situerait entre 3 et 4 milliards. L’an dernier, l’Institut l’évaluait plutôt entre 6 et 6,5 milliards.

En clair, avant le versement au Fonds des générations, le Québec sera « à l’équilibre » dès l’an prochain, explique Mme Homsy. Mais attention au mirage : bien assez vite, le Québec sera rattrapé par le vieillissement de la population, les coûts toujours plus élevés de son système de santé et son retard de productivité.

Sans un virage important, « on va avoir moins de revenus, et à un moment donné, nos dépenses en santé vont nous replonger en déficit », explique-t-elle.

Invasion russe en Ukraine

Autre bémol, ces prévisions ne tiennent pas compte de « l’incertitude extrêmement élevée » liée à l’invasion russe de l’Ukraine, aux sanctions économiques, à l’inflation et à la menace d’une récession.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Mia Homsy, présidente–directrice générale de l'Institut du Québec

[Pas d’]impacts du conflit en Ukraine, c’est le scénario “si tout va bien”. Mais même si tout va bien, on retourne en déficit dans quelques années.

Mia Homsy

Dans le contexte, l’intention du premier ministre Legault, qui a affirmé la veille que la Coalition avenir Québec pourrait proposer des baisses d’impôts dans sa plateforme électorale, peut laisser songeur.

« Si on commence à annoncer une baisse du fardeau fiscal qui n’est pas compensée, on va avoir un déficit structurel qui s’ajoute à ce qu’on présente », affirme Mme Homsy. Elle croit plutôt que le gouvernement devrait se préparer à une possible récession en ne « gaspillant pas ses munitions » et en se gardant une « marge de manœuvre ».

Pas de baisse d’impôt, dit le PLQ

Elle n’est pas la seule à demander de la prudence. Le gouvernement du Québec doit profiter de son budget pour se préparer à une récession et n’a pas de marge de manœuvre pour diminuer les impôts des Québécois, selon l’ancien ministre des Finances et député libéral Carlos Leitão. « Des mesures ponctuelles d’aide, oui, ça, oui, mais des changements permanents de taxes et impôts, je ne pense pas », a-t-il expliqué.

« Les banques centrales sont dans une position très délicate. Est-ce qu’elles haussent les taux d’intérêt ? Oui, mais comment ? À quelle vitesse ? Donc, oui, il y a des risques importants pour l’économie mondiale », a-t-il lancé en point de presse mercredi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Carlos Leitão, ancien ministre des Finances du Québec et député libéral

Une récession, ce n’est pas inévitable, mais c’est quelque chose qui peut arriver. Il faut donc être prêt à faire face à une telle éventualité.

Carlos Leitão, député libéral

Du côté de Québec solidaire, on écarte également l’idée d’une baisse d’impôt généralisée, qui nuirait aux services publics. « Le gouvernement se prive sans cesse de revenus, alors que, dans les faits, nos concitoyens, parce qu’il n’y a pas de place en CPE, parce qu’ils n’ont pas accès à un médecin de famille, paient autrement. Et c’est là que l’injustice devient flagrante », a déploré Manon Massé.

Manon Massé ajoute que Québec solidaire ne serait pas contre un rééquilibrage des tables d’impôts. « On va vous revenir avec ça durant la campagne, mais les gens qui gagnent en bas de 80 000 $, là, c’est sûr qu’on est capable d’observer qu’ils paient pour les gens qui gagnent 250 000 $, 300 000 $, 400 000 $, 1 million. On est capable d’observer ça. Il faut rééquilibrer l’ensemble et non pas juste baisser les impôts », a-t-elle lancé.