Ottawa est toujours incapable de quantifier l’ampleur des fraudes liées à la Prestation canadienne d’urgence (PCU), et aucune demande de remboursement n’a été faite jusqu’ici par le fisc à des particuliers, a appris La Presse.

Le gouvernement fédéral a mis en place la PCU au mois de mars 2020, tout au début de la pandémie, et l’a maintenue jusqu’au 3 octobre de la même année. Près de 9 millions de Canadiens ont bénéficié de cette aide de 500 $ par semaine, une facture qui totalise aujourd’hui 81,6 milliards de dollars pour le Trésor public.

Si elle n’est pas en mesure de fournir de chiffres précis sur les fraudes, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a commencé en janvier à envoyer des « milliers » de lettres à des Canadiens soupçonnés d’avoir touché la PCU sans y avoir droit. Ces vérifications risquent de s’étaler sur « des années », a indiqué en entrevue Marc Lemieux, sous-commissaire de la direction générale des recouvrements et de la vérification à l’ARC.

On est au début des vérifications, c’est assez difficile pour nous de faire un rapport sur les fraudes à ce moment-ci, sur leur importance, leur nombre. On doit faire nos vérifications avant d’être capables de conclure sur ce sujet.

Marc Lemieux, sous-commissaire de la direction générale des recouvrements et de la vérification à l’Agence du revenu du Canada

Le programme de la PCU a été mis sur pied à toute vitesse lorsqu’une bonne partie des entreprises du pays ont dû interrompre ou réduire subitement leurs opérations. Tous les Canadiens qui ont vu leur salaire descendre sous la barre des 1000 $ par mois sont devenus admissibles, sans trop de chichis bureaucratiques.

Ottawa avait promis que des vérifications suivraient, et c’est ce que l’ARC a commencé à faire en janvier en envoyant des lettres à d’anciens prestataires. Le fisc a utilisé les relevés d’emploi (T4) de l’année dernière pour cibler les gens qui auraient reçu de l’argent en trop. L’Agence s’attend à envoyer « des centaines de milliers » de ces missives.

L’ARC a aussi mis en place un portail où les contribuables qui ont reçu la PCU sans y avoir droit peuvent effectuer un remboursement en tout temps. Plus de 2,13 millions de paiements ont été effectués sur une base volontaire jusqu’ici.

« À ce jour, l’Agence n’a pas exigé que des particuliers remboursent des montants de prestations liées à la COVID-19 et aucun délai de remboursement n’a été fixé », a précisé l’ARC dans un courriel.

Accès à l’information

La Presse tente depuis août dernier de connaître le nombre et la valeur des fraudes liées à la PCU, par l’entremise de plusieurs demandes d’accès à l’information. L’ARC n’a pas fourni les documents dans les délais prescrits par la loi (30 jours) et a demandé une prorogation en invoquant plusieurs raisons.

Ces délais ont entraîné le dépôt d’une plainte au Commissaire à l’information du Canada par La Presse, qui a été jugée « fondée ».

D’autres demandes d’accès au sujet des fraudes touchant la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) – qui a pris le relais de la PCU – sont aussi restées sans réponse. Ce programme a coûté 28,4 milliards aux contribuables jusqu’ici.

Le sous-commissaire Marc Lemieux maintient qu’il est encore trop tôt pour fournir des chiffres à ce stade-ci, même si l’ARC a déjà identifié des centaines de milliers de Canadiens qui auraient pu recevoir des prestations sans y avoir droit.

« L’Agence va prendre les moyens de protéger l’intégrité de ses programmes et ça, ça veut dire qu’on va faire ce type de vérification là pendant des mois, sinon des années », a-t-il indiqué.