(New York) Les prix du blé meunier et du maïs ont atteint un record en Europe mardi, tandis que les huiles de soja et de palme enregistraient également un sommet historique, dans un marché agricole enfiévré par la guerre russo-ukrainienne.

Déjà à des pics la veille, le blé meunier et le maïs ont clôturé respectivement à 351,25 et 340 euros la tonne sur l’échéance de mars 2022, au sixième jour de l’invasion.

Le conflit a des conséquences directes sur les céréales puisque la Russie et l’Ukraine sont respectivement premier et quatrième exportateurs mondiaux de blé, ainsi que sixième et quatrième pour le maïs, selon les estimations du ministère américain de l’Agriculture (USDA).  

« Plus rien ne sort de la mer Noire actuellement », a expliqué Arlan Suderman, économiste responsable des matières premières pour la plateforme StoneX. Or les ports de cette zone y assurent l’immense majorité des exportations maritimes de blé et de maïs depuis l’Ukraine et la Russie.

« Les primes d’assurance ont très fortement augmenté » pour couvrir un navire qui irait prendre livraison dans un port ukrainien, a aussi souligné l’analyste. Un armateur, sous couvert d’anonymat, a évoqué une multiplication des tarifs par 15 à 30.

« Et la plupart des pays ne veulent pas prendre le risque » d’envoyer un bateau charger en mer Noire, certains navires ayant déjà été endommagés par des missiles, rappelle-t-il.

Les répercussions vont bien au-delà du blé et du maïs, notamment parce que l’Ukraine est le premier producteur et exportateur mondial d’huile de tournesol, ce qui joue sur tout le marché des huiles végétales.

À la Bourse de Chicago, l’huile de soja a ainsi atteint mardi 76,90 cents la livre (450 g environ), tandis qu’à la Bourse de Kuala Lumpur, la tonne d’huile de palme s’est inscrite à 6794 ringgits, soit 1616 dollars.

Depuis mi-décembre, l’huile de soja a pris 50 %.

Ni Ukraine ni Russie

Les acheteurs « cherchent des solutions » pour remplacer les cargaisons ukrainiennes sur lesquelles ils espéraient pouvoir compter, a expliqué à l’AFP Damien Vercambre, courtier pour le cabinet Inter-Courtage.

« Rien n’a vraiment changé aujourd’hui, mais les marchés commencent à prendre la mesure de la situation : les exportations totalement à l’arrêt en provenance d’Ukraine et l’urgence de trouver de nouveaux débouchés », a-t-il poursuivi.

L’Égypte, qui cherche depuis trois jours à acheter du blé, « a une nouvelle fois annulé son appel d’offres, jugeant probablement les prix trop élevés », a relevé le cabinet Agritel.

Deux des trois offres présentées à l’Égypte émanaient de France et la troisième des États-Unis, qui ne sont généralement qu’un petit fournisseur dans cette région, signe que les deux grands producteurs pourraient se substituer, au moins en partie, à l’Ukraine et à la Russie.

Sur le marché à terme de Chicago (CME), le blé d’hiver américain de variété SRW, le plus échangé, a terminé mardi à son plus haut niveau depuis juillet 2008. Il a atteint rapidement la hausse maximum sur une séance (50 cents), limitée par le CME, sans quoi il aurait pu dépasser le seuil symbolique des 10 dollars le boisseau (environ 27 kg).

La situation est très tendue aussi sur le maïs. « À ce jour l’Ukraine a exporté 18,7 millions de tonnes de maïs sur un total attendu d’ici la fin de campagne à plus de 33 millions de tonnes », rappelle Agritel.

Alors que le conflit s’installe, nul ne sait quand le moindre grain pourra sortir d’Ukraine. « La Chine attendait 4 à 5 millions de tonnes de maïs ukrainien et cherche à s’approvisionner ailleurs », a indiqué M. Vercambre.

« Les gens ne veulent pas acheter à l’Ukraine », parce que « vous ne savez pas quand vous recevrez la cargaison », a fait valoir Alan Brugler, du cabinet de recherche Brugler Marketing and Management. « J’ai vu qu’il y avait 11 navires de blé et six ou sept de maïs, chargés, qui attendaient de pouvoir sortir » et quitter la mer Noire.

« Et vous n’êtes pas sûr de vouloir acheter à la Russie non plus », dit-il, « à cause des restrictions bancaires » imposées au pays par la communauté internationale.