(OTTAWA) Des notes d’information internes du gouvernement avertissent le premier ministre Justin Trudeau que les menaces à la sécurité nationale fondées sur l’économie — de l’espionnage aux cyberattaques — posent des « risques importants » pour la reprise post-pandémique, la prospérité à long terme et la compétitivité du Canada.

Les notes, obtenues par La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l’accès à l’information, indiquent que la capacité du Canada à se remettre de la COVID-19, et sa croissance économique future reposent sur le développement de régimes législatifs et réglementaires actualisés, de nouveaux outils, de nouvelles technologies et de nouveaux modèles d’affaires.

Cette évaluation sans complaisance figure dans des documents préparés pour M. Trudeau immédiatement après la victoire des libéraux lors de leur réélection en septembre dernier et maintenant rendus publics en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Le gouvernement Trudeau a fait savoir au début de l’année dernière qu’il poursuivait ses efforts pour contrer les menaces d’ordre économique pesant sur la sécurité nationale, comme le vol de propriété intellectuelle et les dommages causés aux réseaux d’énergie et d’information.

Les notes internes soulignent que les investissements étrangers et le commerce mondial sont des moteurs essentiels de l’économie canadienne et de celles des alliés.

Compte tenu de la population, de la géographie, de la main-d’œuvre hautement qualifiée, des institutions scientifiques et universitaires de premier plan dans le monde et de l’économie avancée du Canada, l’accès aux marchés et aux capitaux internationaux est essentiel à la croissance et à la reprise économique, indiquent les notes.

« Veiller à ce que le Canada dispose d’un cadre moderne et complet pour contrer les efforts déployés par des acteurs hostiles pour exploiter l’économie canadienne est essentiel pour assurer la prospérité économique et la sécurité nationale à long terme du Canada, y compris la reconstruction après la COVID-19 », est-il écrit.

Selon les notes d’information, les tactiques hostiles vont de l’investissement direct étranger dans des secteurs sensibles, notamment les infrastructures essentielles et les technologies émergentes, au vol de recherches de pointe.

Le pillage peut se faire par le piratage de réseaux d’entreprises ou le transfert de technologies sensibles ayant des applications militaires et de renseignement.

Les préoccupations de sécurité nationale s’étendent à l’achat de biens et de services par tous les niveaux de gouvernement, préviennent les notes. Par exemple, les activités d’approvisionnement peuvent permettre à des adversaires d’accéder à des sites ou à des données sensibles, et les produits ou services achetés pour des infrastructures essentielles peuvent ouvrir la porte à l’espionnage et aux perturbations.

Les établissements universitaires et de recherche canadiens sont la cible de pays hostiles qui s’appuient sur leurs ressortissants, notamment les étudiants et les professeurs invités, ainsi que sur les programmes de recrutement de talents étrangers et les partenariats de recherche pour avoir accès à des connaissances et à des recherches confidentielles, ajoutent les notes d’information.

Ces dernières années, les agences de sécurité nationale ont déployé des efforts pour sensibiliser les organisations potentiellement ciblées et fournir des conseils pour atténuer ces menaces.

Le gouvernement a également publié des lignes directrices en matière de sécurité nationale pour les partenariats de recherche, et les lignes directrices sur l’examen de la sécurité nationale de la Loi sur Investissement Canada ont été mises à jour dans le but d’accroître la transparence quant au type d’investissements qui pourraient donner lieu à un examen de la sécurité.

Selon les notes, Sécurité publique Canada examine les « lacunes dans la législation, la réglementation et la gouvernance ».

Le ministère fédéral termine également un examen de la stratégie canadienne en matière de cybersécurité.

Le comité de députés et de sénateurs qui supervise la politique fédérale en matière de sécurité a récemment mis en évidence des lacunes dans les cyberdéfenses du Canada, qui pourraient rendre de nombreux organismes vulnérables aux pirates informatiques parrainés par des États chinois et russes.

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et les renseignements a déclaré que si les États-nations constituent les menaces les plus élaborées, tout joueur ayant des intentions malveillantes et des capacités sophistiquées met en danger les données du gouvernement et l’intégrité de son infrastructure électronique.

Les notes préparées pour le premier ministre préviennent que le paysage des cybermenaces évolue rapidement, souvent plus vite que la capacité des gouvernements à adapter les cadres réglementaires et politiques.

En conséquence, les gouvernements sont « de plus en plus mis au défi » de sécuriser leurs réseaux et leurs sources d’informations, de gérer les menaces les plus pressantes et d’aider les victimes de cyberincidents.

La cybersécurité « ne peut plus être considérée comme la seule responsabilité des gouvernements », préviennent les notes.

Le Canada, en consultation avec ses partenaires aux vues similaires, devra continuer à insister sur la nécessité de normes internationales et sur la prévention des endroits où les cybercriminels « peuvent opérer sans conséquence ».

« La criminalité facilitée par internet constitue le risque le plus important pour la reprise économique, car elle peut toucher tout le monde, des particuliers aux petites et grandes entreprises, en passant par les municipalités et les systèmes d’infrastructures essentielles ».