Même la Chine s’y est mise. L’usine du monde, qui génère le tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, deviendra carboneutre en 2060.

En faisant cette annonce lors d’un discours aux Nations unies en 2020, le président chinois Xi Jingping a suscité surprise et incrédulité. Comment un pays qui construit encore des centrales au charbon pour combler ses besoins croissants en énergie pourra-t-il réussir là où la plupart des autres échouent ?

Un régime autocratique a peut-être plus de moyens d’atteindre ce genre d’objectifs que les démocraties, où les gouvernements et les priorités peuvent changer tous les quatre ans. Mais dans le cas de la Chine comme ailleurs, les progrès accomplis vers la réduction des émissions seront difficiles et sujets à interprétation.

Il y a trop de systèmes différents pour retrouver et mesurer les émissions, et trop de politique autour des statistiques.

Ce devrait être plus simple pour les entreprises, qui ont l’habitude de rapporter régulièrement leurs activités selon des règles comptables précises et comparables d’un pays à l’autre.

Comme les gouvernements, les entreprises ont aussi commencé à se doter d’objectifs pour atteindre la carboneutralité. Les grands investisseurs institutionnels, comme BlackRock, en font maintenant un critère de sélection. Malheur à celles qui tardent à monter à bord du train vert, elles pourraient voir grimper leur coût de financement.

Et la crédibilité des entreprises ?

La plupart des grandes entreprises de ce monde se sont donc mises à la tâche et ont publié un plan en bonne et due forme qui les mènera à la carboneutralité. Dans le meilleur des cas, quand les entreprises prennent ça au sérieux, les plans sont accompagnés de cibles intérimaires et de mécanismes de reddition de comptes pour en assurer la crédibilité.

Malgré cela, c’est le bordel. C’est le New Climate Institute qui le dit. Cette organisation spécialisée établie en Allemagne a travaillé avec Carbon Market Watch pour éplucher les engagements envers la carboneutralité publiés et diffusés par 25 grandes entreprises dans le monde, pour s’apercevoir que les mêmes mots ne veulent pas toujours dire la même chose.

Les entreprises mises sous la loupe du New Climate Institute n’ont pas été choisies au hasard. Il s’agit de grandes organisations multinationales dont les plans de lutte contre les changements climatiques apparaissent crédibles et qui peuvent inspirer les entreprises de plus petite taille. Les gros canons sont tous là : Apple, IKEA, Walmart, par exemple, font partie de la liste.

Ensemble, ces entreprises affichent des revenus de 3000 milliards US pour l’année 2020 et elles rapportent des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à 5 % du total mondial.

Les engagements des entreprises ont été évalués et comparés selon quatre critères, soit la traçabilité et la divulgation des émissions, les objectifs fixés, la façon de réduire leurs propres émissions et les autres contributions à la lutte contre les changements climatiques.

La première constatation de cet examen ne surprendra peut-être personne. Aucune des 25 entreprises n’a pris les moyens nécessaires pour devenir carboneutre. La plupart ratent l’objectif de l’accord de Paris d’atteindre la carboneutralité en 2030. Les actions contenues dans tous les engagements permettent au mieux d’espérer une réduction moyenne de 40 % des émissions, et non pas de 100 %.

Une seule entreprise, le champion de la liste, le transporteur Maersk, a un plan jugé assez crédible pour atteindre une réduction de 90 % des émissions en 2040.

Dans certains cas, le plan permet tout au plus d’espérer une réduction de 15 %, ce qui est loin de la carboneutralité.

Autre constat de l’Institut : aucun plaidoyer des entreprises envers la carboneutralité ne doit être considéré comme crédible avant d’avoir fait l’objet d’un examen serré.

Il faudra du temps et une réglementation universelle avant de pouvoir faire la différence entre les entreprises qui agissent contre les changements climatiques et celles qui mettent un peu de teinture verte sur leurs activités. La Chine, qui ne rend de comptes à personnes, y parviendra peut-être avant.

Consultez le rapport 2022 du New Climate Institute (en anglais)