(Washington) Joe Biden pointe du doigt les difficultés mondiales d’approvisionnement pour expliquer la forte inflation aux États-Unis, mais les milliers de milliards de dollars injectés dans l’économie expliquent aussi que les prix y aient grimpé plus qu’ailleurs.

« L’inflation est entièrement due à la chaîne d’approvisionnement », a affirmé le président américain mercredi, lors de sa conférence de presse.

Les usines ont été désorganisées partout dans le monde par la COVID-19, qui a fait dérailler le transport, provoquant pénuries et retards faisant grimper les prix.  

Aux États-Unis, l’inflation a atteint 7 % en 2021, un rythme que le pays n’avait pas connu depuis près de 40 ans.

L’opposition républicaine accuse Joe Biden d’avoir provoqué une telle envolée des prix avec des plans de relance et des dépenses trop larges. Elle dénonce désormais la « Bidenflation ».

« Pour trouver les racines de l’inflation actuelle, il faudrait revenir en arrière », a ainsi déploré Stephanie Bice, élue républicaine à la Chambre des représentants, mercredi lors d’une table ronde sur le sujet.

« L’année dernière, la surabondance de dollars fédéraux qui a été injectée dans notre économie a alimenté la flambée des prix », a-t-elle assuré.

En ligne de mire, le plan d’urgence de 1900 milliards de dollars que le président démocrate Joe Biden avait fait adopter en mars 2021, juste après son arrivée à la Maison-Blanche. Les républicains s’y étaient alors fermement opposés.

Pour l’administration démocrate, ces dépenses ont cependant évité à la première économie du monde de sombrer, et ont permis de limiter les inégalités.

Sa secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a ainsi, jeudi sur la chaîne CNBC, évoqué « toutes les mauvaises choses […] qui auraient pu se produire sans les interventions que nous avons faites avec le plan de relance américain », comme « un taux de chômage élevé » durable ou l’aggravation de la « pauvreté chez les enfants ».

Elle a aussi jugé possible de ramener l’inflation autour de 2 % d’ici fin 2022.

Pavé dans la mare

Pour certains économistes, ces aides étaient nécessaires, mais auraient pu être moins larges et plus ciblées.

« À mon avis, l’année dernière, un plan d’aide était bien nécessaire, mais il aurait dû être plus petit », a expliqué à l’AFP Jason Furman, professeur d’économie à Harvard et ancien conseiller économique de la Maison-Blanche sous Barack Obama.

« Avec le recul, au lieu d’être de 2000 milliards de dollars, il aurait pu n’être que de 1000 milliards », a-t-il ajouté.

À l’époque, un autre économiste démocrate, Larry Summers, avait jeté un pavé dans la mare en avertissant que ce plan, bien qu’« admirablement ambitieux », pourrait déclencher « des pressions inflationnistes inédites depuis une génération ».

L’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton et principal conseiller économique de Barack Obama avait évoqué un risque de surchauffe, une croissance économique hors de contrôle, avec une demande si forte que l’offre ne suit plus, provoquant des hausses de prix.

La zone euro aussi a vu les prix grimper, mais de 5 % seulement, selon les données d’Eurostat publiées jeudi.

« Les États-Unis et l’Europe sont confrontés aux mêmes pressions inflationnistes autour des prix du pétrole, de la chaîne d’approvisionnement mondiale et d’autres effets de la pandémie », selon Jason Furman.

Mais « les États-Unis ont fait beaucoup plus pour donner de l’argent aux ménages, ce qui a conduit à la fois à une croissance plus rapide du PIB aux États-Unis et à une inflation plus forte ».

« Conséquence directe »

« L’inflation aux États-Unis est, dans une certaine mesure, une conséquence directe du soutien aux revenus, combiné à une offre rigide ou perturbée », avait détaillé lundi l’économiste en chef de l’OCDE, Laurence Boone, lors d’une réunion de l’Eurogroup.

En revanche, « le principal moteur de l’inflation en zone euro est le prix de l’énergie ».

Cela relève, selon elle, des différences de politique de part et d’autre de l’Atlantique dès le début de la crise de la COVID-19 : l’Europe a cherché à maintenir les salariés en poste malgré la paralysie de l’activité, quand les États-Unis ont permis aux entreprises de licencier, distribuant ensuite des aides financières aux ménages.

En un an en effet, entre mars 2020 et mars 2021, ce sont quelque 5000 milliards de dollars, soit plus que le PIB de l’Allemagne, qui ont été versés aux petites entreprises, mais aussi aux ménages.

Chèques et versements directs, allocations chômage généreuses, crédits d’impôt pour les familles avec enfants, sont ainsi venus gonfler les comptes en banque des Américains et ont permis à la première économie du monde de maintenir le fonctionnement de son moteur économique, la consommation.