(Ottawa) Le président du plus grand syndicat du secteur privé au Canada suggère que le parlement devrait hausser le taux horaire minimum fédéral à 15 $ et confier le mandat de déterminer les futures augmentations à une commission indépendante.

De l’avis du président d’Unifor, Jerry Dias, cette commission indépendante pourrait rassembler les principaux acteurs affectés par la fluctuation du salaire minimum afin d’observer son impact réel et de s’éloigner de l’influence des discours politiques.

Jerry Dias a formulé ces commentaires vendredi matin devant un comité du Sénat chargé d’analyser certaines dispositions du récent budget fédéral, dont celle concernant le salaire minimum dans les industries sous sa juridiction.

S’il est adopté, le projet de loi C-30 ferait passer le salaire minimum fédéral à 15 $ de l’heure ou à valeur égale du taux en vigueur dans la province d’emploi s’il est plus élevé. Par la suite, l’augmentation du taux minimum serait rattachée à celui de l’inflation.

Le patronat est contre

Toutefois, si Jerry Dias plaide que la hausse du salaire minimum n’entraînerait aucun impact négatif sur l’économie ou l’emploi, une association d’employeurs prétend le contraire.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante croit que les petites et moyennes entreprises pourraient être incapables d’absorber les coûts d’une hausse de leur masse salariale alors que leurs revenus demeurent faibles. Ce qui pourrait entraîner une baisse des embauches de jeunes travailleurs ou une réduction des heures pour les travailleurs actuels.

Deux consultations distinctes sur les conditions de travail menées par le gouvernement libéral depuis son arrivée au pouvoir en 2015 ont recommandé d’établir le salaire minimum à 15 $. Chaque fois, entreprises et syndicats se sont affrontés en défendant les mêmes positions entendues vendredi devant le comité du Sénat.

Je n’ai jamais entendu aucune association d’entreprises dire : '' Hé, ça c’est une bonne idée !'', a souligné Jerry Dias. C’est toujours l’Armageddon si l’on rehausse le salaire minimum. On entend toujours :  ''Des milliers d’emplois vont être perdus". Mais c’est des balivernes : les chiffres montrent le contraire.

Jerry Dias, président du syndicat Unifor

C’est pourquoi le président d’Unifor suggère la création d’un comité indépendant sur le salaire minimum, semblable à ce qui existe au Royaume-Uni. Ce comité formulerait des recommandations, mais la décision reviendrait au gouvernement. Un processus qui « éliminerait une bonne partie des mythes et des foutaises qui sortent de ce genre de débats ».

En 2017, une étude de la Banque du Canada concluait que si le salaire minimum provincial était haussé à ce niveau, on verrait une baisse des heures travaillées d’environ 0,3 %, mais une hausse générale du revenu d’emploi.

Mais ça, c’était avant la pandémie.

Le vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Jasmin Guénette, affirme que le gouvernement devrait regarder cette mesure sous l’angle de la pandémie. Il pourrait ainsi voir, selon lui, comment une augmentation du salaire minimum risque d’affecter les entreprises qui ont cumulé les dettes pour survivre et la main-d’œuvre en recherche d’emploi.

« On n’est pas encore sorti de la pandémie et ce n’est pas le moment d’augmenter les dépenses des entreprises. Le gouvernement devrait se concentrer d’abord à rouvrir l’économie et à s’assurer que les entreprises vont survivre à la pandémie », a-t-il soutenu dans son allocution d’ouverture.

Même si le gouvernement légifère pour établir le salaire minimum à 15 $, ça n'aidera en rien les travailleurs s'ils n’ont plus d’emploi.

Jasmin Guénette, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

Les sénateurs ont été informés que 26 200 travailleurs sous responsabilité fédérale gagnent actuellement moins de 15 $ de l’heure.

Surtout au Québec et en Ontario

On parle entre autres d’agents au service et à la billetterie de transporteurs aériens, de camionneurs et d’employés au service à la clientèle de banques ou d’entreprises de télécommunication. La grande majorité de ces emplois se trouvent au Québec et en Ontario.

Le faible nombre de travailleurs concernés est l’une des raisons invoquées par les libéraux pour rejeter la proposition d’augmenter le salaire minimum lorsque le NPD en avait fait l’une de ses promesses dans sa plateforme électorale de 2015.

Cependant, la pandémie a poussé les libéraux à changer d’idée.

Un représentant d’Emploi et Développement social Canada, le ministère responsable des normes fédérales du travail, a expliqué aux sénateurs que la facture totale pour les entreprises s’élèverait à 44,1 millions pour la première année d’implantation du taux horaire minimum à 15 $.

Le comité sénatorial a aussi été informé qu’il pourrait y avoir des impacts collatéraux comme des revendications d’augmentations de salaire pour les travailleurs dont le taux horaire se situe juste au-dessus des 15 $. Cela pourrait entraîner des coûts supplémentaires pour les entreprises, mais ces impacts potentiels sont difficiles à estimer.