Craignant pour leur survie, une quarantaine de détaillants de l’industrie de la mode s’unissent cette semaine pour la campagne de livraison gratuite MODEQC21. Une façon de stimuler l’achat local en ligne et de crier à l’aide au gouvernement.

« On va passer d’une pandémie de COVID-19 à une pandémie de faillites », résume François Roberge, président du conseil d’administration de mmode, la Grappe métropolitaine de la mode, et PDG de La Vie en Rose. C’est pour tenter d’éviter la catastrophe qu’une quarantaine de détaillants se sont mobilisés et ont décidé de lancer une offensive pour inciter les Québécois à acheter en ligne la mode d’ici.

Pour cette campagne, mmode a créé un code unique, MODEQC21, que chaque client peut appliquer sur le site web des marques participantes du 1er au 7 février 2021. « De voir tous les détaillants s’unir, collaborer, même s’ils sont des compétiteurs, c’est historique et émouvant », a affirmé au téléphone Debbie Zakaib, directrice générale de mmode.

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Debbie Zakaib, directrice générale de mmode

« Les magasins non essentiels sont fermés depuis le 25 décembre, poursuit-elle, et c’est la dernière semaine avant la potentielle réouverture des commerces de détail le 8 février. »

Les membres de mmode fondent beaucoup d’espoir en cette date et espèrent que la Santé publique autorisera la réouverture de leurs commerces, car c’est la seule solution qui leur permettra de survivre, plaident-ils. mmode et le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) en ont discuté à maintes reprises avec le cabinet du premier ministre François Legault et celui du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, mais aucune promesse n’a été faite en ce sens.

« Le CQCD croit qu’il faut ouvrir les magasins, sinon il va y avoir une catastrophe dans quatre à six semaines, affirme son DG, Stéphane Drouin. On travaille avec le gouvernement du Québec pour les aider à trouver les meilleurs scénarios de réouverture qui ne compromettent pas la santé publique. »

Mathieu St-Amand, directeur des communications du cabinet du ministre de l’Économie, nous a précisé que le gouvernement avait modifié l’Aide aux entreprises en régions en alerte maximale (AERAM) pour le mois de février, ce qui permettra aux commerces admissibles d’obtenir un montant maximum de 15 000 $ pour payer leurs coûts fixes. « D’autres mesures sont à venir pour soutenir les entreprises dans la relance de l’économie à la suite de l’annonce des mesures de confinement qui seront en vigueur après le 8 février », soutient-il. Les détails au sujet de la prolongation du confinement seront annoncés mardi.

Stock d’hiver à écouler

Après la première vague et le confinement, de nombreux détaillants ont eu un surplus de stock de printemps-été. Avec la deuxième vague et la seconde fermeture des commerces non essentiels, l’histoire se répète avec celui d’hiver et de Noël, qui sera impossible à vendre au printemps, ont expliqué les détaillants à qui nous avons parlé.

Et lorsque les ventes ne sont pas au rendez-vous, les liquidités se font rares pour acheter les vêtements et chaussures de la prochaine saison.

« Ça représente tout un fardeau, ce surplus de stock, soutient au téléphone Vita (Vicky) Scalia, co-PDG et cofondatrice des boutiques de chaussures L’Intervalle. On essaie de liquider du stock pour avoir des liquidités et le défi est grand. »

Selon Gilles Fortin, fondateur de Tristan, dont la chaîne de prêt-à-porter s’est portée sous la protection de la Loi sur les faillites et l’insolvabilité en juillet 2020, le gouvernement prend trop de temps pour saisir l’ampleur du problème.

« Ce qui est nous arrive est épouvantable, mais Québec ne le voit pas. On n’a pas de cash-flow qui rentre. Tous nos stocks sont en train de perdre de leur valeur », dit l’homme d’affaires, inquiet et déçu, qui craint pour la survie de l’entreprise fondée il y a 48 ans. « Vont-ils tous nous faire mourir ? »

Une quinzaine de détaillants ont dû se placer sous la protection de la Loi sur les faillites et l’insolvabilité en 2020.

La vente en ligne n’est pas la panacée

Frédérik Guérin, PDG de Club Tissus, qui s’est joint au mouvement de livraison gratuite, soutient cependant que les ventes en ligne ne suffisent pas à payer les 300 000 $ de loyer par mois de ses quatre magasins de 30 000 à 50 000 pieds carrés. « Avec l’arrivée de Pinterest, les projets DIY [fais-le toi-même] et les mouvements zéro déchet, ça nous amène une nouvelle clientèle qui achète en ligne, mais il reste encore des gens qui préfèrent aller en magasin pour toucher les textiles. La vente en ligne ne remplace pas la force de nos magasins », dit-il.

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Frédérik Guérin, PDG de Club Tissus

« On vend sur le web, mais le web n’est pas suffisant, renchérit François Roberge, de La Vie en Rose. Je fais 350 millions par année et le web représente 30 millions. »

François Roberge confie que si les détaillants de son industrie ne rouvrent pas, il y aura d’autres offensives, mais il n’est pas en mesure de préciser lesquelles pour l’instant.

Les membres de mmode martèlent tous que leurs magasins sont sécuritaires, comme en font foi les statistiques qu’ils avaient dévoilées en décembre dernier : dans les 42 chaînes de magasins, seulement 9 de leurs 19 200 employés avaient contracté la COVID-19 en milieu de travail.

« Ce n’est pas d’aller acheter une paire de bottes et un habit de neige qui propage la COVID-19 », s’exclame Jean-François Transon, qui dirige les 40 magasins de chaussures Club C et Nero Bianco. « C’est dans les maisons et dans les rassemblements. Le couvre-feu fonctionne. C’est une mesure qui doit rester, et on va adapter nos heures d’ouverture en conséquence. »

Jean-François Transon croit que le gouvernement ne devrait pas pénaliser tous les commerces à cause de quelques Dollarama et du Carrefour Laval, qui n’ont pas été rigoureux dans l’application des règles sanitaires. « Si un centre commercial n’est pas capable de faire respecter la distanciation sociale à l’intérieur de ses murs, le gouvernement devrait lui imposer une fermeture pendant 30 jours et collecter une amende équivalente à tous les loyers d’un mois. Ça va arrêter assez vite le niaisage ! »

Compromis

Advenant une prolongation de la fermeture des commerces non essentiels, il faudrait au moins permettre l’accessibilité aux portes des boutiques situées dans les centres commerciaux, croit la PDG de Panda, Linda Goulet. « Les clients pourraient se rendre à la porte du magasin pour aller chercher leurs commandes et, déjà, ça faciliterait le travail des équipes au lieu que le ramassage se fasse à la porte du centre commercial. »

Linda Goulet rappelle que c’est l’hiver, et qu’après 11 mois de pandémie, les consommateurs sont fatigués, de moins en moins patients et peu enclins à payer des frais de livraison. C’est la survie des entreprises locales qui est en jeu, conclut-elle.

– Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse

Voici la liste des détaillants participants: https://www.promomodeqc.com/fr