(Washington) Les producteurs de bleuets canadiens et les responsables de l’ambassade ont repoussé mardi les allégations selon lesquelles les producteurs américains seraient chassés du marché par des importations bon marché en provenance du nord de la frontière.

À la demande du représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, la Commission du commerce international des États-Unis enquête sur les plaintes concernant les importations de bleuets en provenance de plusieurs pays, dont le Mexique, le Chili, le Pérou et le Canada.

L’argument de Nadia Bourély, ministre conseillère à l’ambassade du Canada pour la politique économique et commerciale, se résume à une simple prémisse : nous ne sommes pas le problème.

« Nous trouvons très difficile de voir comment les importations de bleuets, en particulier les importations en provenance du Canada, auraient pu causer un préjudice à l’industrie américaine du bleuet », a déclaré Mme Bourély lors d’une audience en ligne.

Entre 2015 et 2019, a-t-elle indiqué, les importations américaines en provenance du Canada n’ont augmenté que de 15 %, tandis que les importations totales ont augmenté de près de 56 %.

Au contraire, les producteurs américains ont profité de l’accès au marché canadien, a soutenu Mme Bourély, qui a exhorté les commissaires à considérer l’impact de chaque pays de manière isolée, plutôt que de les regrouper.

« Les producteurs américains et canadiens sont hautement intégrés et cette intégration a fonctionné au grand avantage de l’industrie américaine, […] la seule augmentation réelle des flux commerciaux entre nos pays a été vers le nord. »

Mme Bourély a admis qu’il y avait eu une augmentation isolée en 2019, qu’elle a attribuée au fait qu’un seul producteur multinational a transféré de grandes quantités de baies congelées de ses installations de stockage canadiennes à celles des États-Unis.

« Il ne s’agissait pas (d’importations) au sens économique du terme en 2019, mais de mouvements internes d’une entreprise fonctionnant des deux côtés de la frontière, sans vente aux clients au moment de leur mouvement », a-t-elle expliqué.

« Par conséquent, non seulement les importations canadiennes ont des taux de croissance sensiblement inférieurs, mais en fait elles n’ont pas du tout augmenté. »

Les producteurs de petits fruits canadiens se préparent à se battre depuis octobre, lorsque M. Lighthizer – longtemps défenseur des instincts protectionnistes du président Donald Trump, qui était alors confronté à une difficile bataille de réélection – a annoncé qu’il prévoyait mobiliser la commission.

M. Lighthizer a mentionné en particulier le fait que les agriculteurs américains aient éprouvé de grandes difficultés l’an dernier face à l’impact économique de la pandémie de COVID-19.

Les importations de bleuets en provenance du Mexique semblent être la principale préoccupation, en particulier pour les producteurs du Sud. Mais les producteurs canadiens ont été pris entre les deux – et ont attiré l’attention des agriculteurs des États du nord comme l’Oregon et le Michigan.

Une « inondation d’exportations »

Hugh Eisele, un producteur de l’Oregon, s’est plaint d’une « inondation d’importations » en provenance du Canada et du Pérou ces dernières années, qui, selon lui, a sapé ses entreprises au point qu’elles ne rapportent plus d’argent.

« Nos problèmes sont aggravés par les (coûts) d’importations de plus en plus faibles du Canada », où les producteurs peuvent profiter de la baisse du dollar canadien, a déclaré M. Eisele lors de l’audience.

« Nos coûts ne sont pas très différents de ceux de nos homologues canadiens, mais les exportateurs canadiens sont en mesure de tirer parti des taux de change pour vendre plus bas que le marché et éliminer les prix de début et de mi-saison. »

Rex Schultz, président du Michigan Blueberry Advisory Committee, a plaidé que les expéditions en provenance du Canada avaient tendance à entrer dans le pays sans que des acheteurs spécifiques soient déjà alignés.

« Les agriculteurs canadiens accordent la priorité aux liquidités et sont prêts à envoyer des produits sur ce marché à ce qui semble être n’importe quel prix, frais ou congelé, a souligné M. Schultz. Par conséquent, les fruits canadiens – à la fois frais et congelés – maintiennent les prix aux États-Unis très bas. »

La frontière « ignorée »

Les producteurs canadiens qui ont témoigné plus tard mardi ont contesté ce qu’ils ont entendu le matin, en particulier l’idée que leurs produits étaient vendus au rabais aux acheteurs américains.

Chez Oxford Foods, un producteur ayant des activités en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et dans le Maine, l’intégration entre les deux pays est si profonde que la frontière cesse d’exister, selon son dirigeant Milton Wood.

« En ce qui concerne les bleuets sauvages congelés, la frontière entre les États-Unis et le Canada est effectivement ignorée », a soutenu M. Wood.

« Pour chaque client, pour chaque type de produit de bleuet sauvage congelé, nous facturons exactement le même prix pour nos importations que pour nos produits fabriqués aux États-Unis. »

Le Canada a également trouvé un certain nombre d’alliés américains lors de l’audience de mardi.

Les experts du commerce agricole et les producteurs américains exerçant des activités internationales ont insisté sur le fait que les importations ont aidé, et non entravé, le marché intérieur du bleuet aux États-Unis.

Plusieurs ont expliqué la pression sur les prix des dernières années par l’impact d’une production intérieure plus élevée dans des États comme Washington et le Michigan et les conditions météorologiques défavorables dans diverses régions en croissance du pays.

Et d’autres encore ont critiqué les efforts de la commission pour interroger les producteurs sur leurs préoccupations, notant un taux de réponse d’environ 10 % seulement – un signe, ont-ils déclaré, que l’industrie dans son ensemble n’est pas inquiète.

Ils ont également noté que, même si environ 98 % des exportations canadiennes de bleuets sont destinées aux États-Unis, le Canada demeure de loin le plus grand importateur mondial de bleuets cultivés aux États-Unis.