La pandémie n’a pas frappé également tous les pays, mais l’inflation, qui en est une des conséquences, s’est généralisée dans le monde. Le combat pour contrôler la hausse des prix vient de commencer, et il s’annonce long et ardu.

La Banque d’Angleterre a été la première des banques centrales des pays du G7 à déclencher les hostilités. Son taux directeur est passé d’un creux historique de 0,1 % à 0,25 % la semaine dernière.

Comme au Canada, la politique monétaire du Royaume-Uni vise un taux d’inflation à 2 %. En novembre, les prix augmentaient à un rythme annuel de 5,1 %, ce qui a décidé la Banque d’Angleterre à agir. La dernière hausse du taux directeur remontait à 2018, quand Mark Carney en était le gouverneur.

Le resserrement du crédit est une recette éprouvée pour contrôler l’inflation. C’est toutefois une arme redoutable qui, utilisée au mauvais moment, peut faire plus de mal que de bien et conduire à une récession.

La décision de la Banque d’Angleterre est un peu surprenante, car le variant Omicron menace la sortie de crise de l’économie britannique. Le gouvernement de Boris Johnson a dû resserrer les mesures sanitaires pour faire face à cette nouvelle vague d’infections. Le pays doit aussi combattre l’impact du Brexit, qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement encore plus qu’ailleurs dans le monde. Comme si ce n’était pas assez, une crise de l’énergie ébranle toute l’économie britannique.

La Banque d’Angleterre a néanmoins décidé d’engager le combat avant la Réserve fédérale américaine (Fed), alors que l’inflation aux États-Unis est plus menaçante, à 6,8 %, et que l’économie américaine se porte mieux.

La Fed a décidé d’attendre à 2022 pour entamer le processus de remontée des taux d’intérêt, mais elle fera plus vite que prévu. Au moins trois hausses sont annoncées, ce qui, si la hausse est graduelle comme d’habitude, fera passer son taux directeur de 0,25 % actuellement à 1,00 % à la fin de 2022.

En Europe, le portrait est plus complexe. La Norvège, un pays qui ne fait pas partie de l’union monétaire, a déjà relevé son taux directeur deux fois depuis trois mois. Une troisième hausse est annoncée en mars, malgré l’incertitude sur l’évolution de la pandémie. La Banque de Norvège juge l’inflation assez préoccupante, à 5,1 %, pour réagir sans tarder.

La Banque centrale européenne (BCE), de son côté, fait face à un défi considérable. La politique monétaire s’applique à des réalités différentes d’un pays à l’autre. L’inflation ne frappe pas également les pays de la zone euro. L’Allemagne s’inquiète d’un taux d’inflation qui dépasse actuellement les 5 %. En France, la hausse des prix est de 2,8 % et en Italie, de 3,7 %.

Ces disparités expliquent sans doute pourquoi la BCE reste sur la touche. Aucune hausse des taux d’intérêt n’est prévue pour 2022, a indiqué sa présidente, Christine Lagarde, à la suite de la dernière réunion de l’année des autorités monétaires européennes.

Contrairement à ses homologues des pays industrialisés, la présidente de la BCE semble toujours convaincue que l’inflation sera temporaire. Dans les discours du président de la Fed et du gouverneur de la Banque du Canada, ce mot a disparu, et ils indiquent que l’inflation restera à un niveau supérieur aux cibles encore longtemps.

Un taux pour tous

Toutes proportions gardées, la Banque du Canada doit elle aussi composer avec des réalités différentes d’une province à l’autre. Les chiffres sur l’inflation de novembre publiés la semaine dernière par Statistique Canada indiquent que la hausse des prix est plus élevée au Québec qu’ailleurs au pays, soit à 5,2 % comparativement à la moyenne nationale de 4,7 %. Le taux de chômage est aussi le plus bas au pays, à 4,5 %, et le manque de main-d’œuvre est plus criant qu’avant la pandémie. En se basant uniquement sur l’économie québécoise, la remontée des taux d’intérêt aurait déjà dû être enclenchée…

« Nous avons un grand pays, c’est une de nos forces », a répondu diplomatiquement le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, lorsque La Presse l’a interrogé sur les défis que représentent les disparités régionales. Selon lui, à long terme, les économies d’une même zone monétaire finissent par converger. « Mais il n’y a qu’une seule politique monétaire et un seul taux de change », a-t-il ajouté.

La Banque du Canada ne prévoit pas augmenter ses taux avant le deuxième trimestre de 2022.

Pour les banques centrales, les disparités régionales ajoutent une couche de complexité à un processus de décision déjà très complexe. Elles savent que remonter les taux d’intérêt est plus difficile et plus périlleux que les réduire. On verra lesquelles réussiront le mieux le retour à la normale.

En 2021, en plus du Royaume-Uni et de la Norvège, des hausses du taux directeur ont été annoncées en Corée du Sud, en Nouvelle-Zélande et au Mexique. Le Brésil, dont l’économie est en pleine déroute, a décrété pas moins de sept hausses de taux au cours de l’année, ce qui a fait passer le taux directeur de 2 % en janvier à 9,25 % en décembre.