À quelques jours de l’échéance, la Banque du Canada et le gouvernement fédéral n’ont toujours pas annoncé le renouvellement et l’objectif du prochain mandat de la banque centrale

La Banque du Canada a fait part mercredi de sa décision de maintenir son taux directeur à son niveau plancher actuel de 0,25 % parce qu’elle estime que, malgré la multiplication de signes positifs et la montée de l’inflation, « l’économie doit continuer de recevoir un appui considérable de la politique monétaire ».

Dans sa dernière décision de l’année, la banque centrale ne donne aucune indication sur le renouvellement de son mandat de cinq ans qui prend fin le 31 décembre. Ce qui étonne et inquiète un peu Steven Ambler, économiste et président de la chaire David-Dodge sur la politique monétaire de l’Institut C.D. Howe.

« C’est une décision qui est généralement annoncée bien avant, précise-t-il dans un entretien avec La Presse. Je soupçonne que ça peut vouloir dire qu’il y aura des changements, plutôt que des ajustements comme ç’a toujours été le cas dans le passé. »

Depuis 30 ans, la mission de la politique monétaire est de maîtriser l’inflation. Cet objectif, établi de concert entre les dirigeants de la banque centrale et le ministère des Finances, a été reconduit depuis à chaque renouvellement de mandat, parfois avec quelques ajustements. En 1995, par exemple, il a été précisé que le taux d’inflation devrait être circonscrit dans une fourchette de 1 à 3 %.

En prévision du renouvellement de son mandat, la Banque du Canada a lancé une consultation publique pour savoir ce que les Canadiens pensent de la politique monétaire.

De plus en plus de voix se font entendre pour réclamer que la politique monétaire s’intéresse à d’autres cibles comme le plein emploi, la réduction des inégalités ou même les changements climatiques, en plus du contrôle de l’inflation.

Comme beaucoup d’autres économistes, Steven Ambler estime que ce serait une erreur. D’une part parce que la Banque du Canada dispose de moyens limités ou inefficaces pour agir sur d’autres phénomènes que l’inflation, comme les changements climatiques. Et d’autre part parce que le cadre qui est le sien depuis 30 ans fonctionne bien. La hausse moyenne de l’indice des prix à la consommation entre 1995 et 2019 a été de 1,9 % par année.

Un message plus confus

Si le mandat de la Banque du Canada change, ce sera probablement pour y ajouter l’objectif de viser le plein emploi, ce qui est dans l’air depuis des années, estime Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Ce ne serait pas une grosse surprise, selon lui, étant donné que le gouverneur Tiff Macklem renvoie souvent à la situation de l’emploi pour expliquer les décisions de la banque.

Le défi serait toutefois d’expliquer à la population et aux marchés financiers en quoi un double mandat (inflation et emploi) est préférable à une cible d’inflation à 2 % et de quelle façon il sera mis en œuvre.

Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne

Si on ajoute des objectifs comme le plein emploi au mandat de la Banque du Canada, « ça rend le message moins simple et la communication de ce message plus difficile », renchérit Steven Ambler.

Aussi, le moment pour modifier le cadre de la politique monétaire est mal choisi, selon lui, alors que l’inflation a refait surface et qu’elle représente un risque pour l’économie canadienne.

« Le danger, si on change le mandat à ce stade-ci, c’est de perdre la confiance de la population envers la banque centrale », dit celui qui est aussi professeur à l’Université du Québec à Montréal.

Statu quo maintenu

Le dernier rapport sur l’emploi, qui indiquait une diminution du chômage, et le niveau élevé de l’inflation, qui pointait à 4,7 % en octobre, n’ont pas fait dévier la Banque du Canada de sa trajectoire.

De nouvelles sources d’inquiétudes sont apparues sur le radar, comme les inondations dévastatrices en Colombie-Britannique et le variant Omicron, qui pourraient peser sur la croissance, explique la banque centrale dans sa décision de mercredi qui maintient son taux directeur à 0,25 %.

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Même si les conditions économiques sont favorables, « il aurait été trop tôt pour passer dès maintenant à l’étape suivante de la normalisation de la politique monétaire, soit une remontée graduelle des taux d’intérêt », a commenté l’économiste principal de Desjardins, Benoit Durocher.

Chez Desjardins, on attend une première hausse des taux en avril. « Avec la récupération de l’économie et le taux d’inflation très élevé, il devient de plus en plus difficile de justifier le maintien du taux cible à sa valeur plancher pour encore plusieurs trimestres », estime Benoit Durocher.