Stocks à des creux historiques, installation de pièces manquantes sur des produits dans les ateliers et livraisons échelonnées sur de plus longues périodes : l’engouement pour les véhicules récréatifs depuis le début de la pandémie et les difficultés d’approvisionnement se reflètent chez les concessionnaires, où presque tout est vendu plusieurs mois d’avance.

Un consommateur à la recherche d’une motoneige neuve risque de rentrer bredouille. Pour une motomarine, dans bien des cas, la plupart des modèles sont déjà vendus même si le tapis blanc ne s’est pas encore installé aux quatre coins du Québec.

La Presse a joint des concessionnaires au cours des dernières semaines.

« Nous n’avions pas beaucoup de motoneiges à vendre cet automne, raconte au bout du fil Alain Carrier, président de Performance NC, propriétaire de sept enseignes BRP. Je ne suis pas certain qu’il nous en reste à ce moment-ci de l’année. Le temps de la vente s’est déplacé. C’est plus de travail pour nous. »

Les véhicules récréatifs ont servi d’échappatoire à bon nombre de consommateurs depuis le début de la crise sanitaire, qui s’est accompagnée de nombreuses restrictions entourant les déplacements.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Usine de BRP

Si les constructeurs de motoneiges, de motomarines, de VTT et de véhicules côte à côte comme BRP en ont grandement profité, ceux-ci peinent à répondre à la demande.

Ils n’échappent pas à la pénurie de semi-conducteurs, composants que l’on retrouve dans des puces électroniques essentielles au fonctionnement de certains modules.

Résultat : presque tout est vendu à l’avance chez les concessionnaires, qui doivent terminer l’assemblage de véhicules dans leurs ateliers parce qu’il manque des cadrans, des capteurs et d’autres pièces électroniques au moment de la réception.

« L’atelier fonctionne à 110 % », affirme Simon Constantineau, vice-président du concessionnaire F. Constantineau, à Mont-Laurier.

Celui-ci a expliqué qu’environ 2 % des motoneiges qui devaient être livrées par BRP arriveraient plus tard que prévu, soit en février. Cela a incité des clients à annuler leur commande en raison des délais, mais les cas ont été très rares, a expliqué M. Constantineau.

« On va vendre toutes nos commandes »

Avant la pandémie, environ 20 % des motomarines étaient vendues par l’entremise des précommandes chez Claude Ste-Marie Sports, à Saint-Hubert, en banlieue sud de Montréal.

Cette fois-ci, elles devraient être très rares au moment où la saison s’amorcera, souligne son président, Luc Marchand.

Conclure la vente, c’est beaucoup moins un facteur. On sait qu’on va vendre toutes nos commandes. Au bout du compte, je m’en serais passé. C’est autant d’efforts, sinon plus.

Luc Marchand, président de Claude Ste-Marie Sports

Chez Performance NC, M. Carrier estime qu’entre 60 % et 70 % des stocks de motomarines ont été réservés au sein de son réseau.

« L’an passé, aux alentours du mois d’avril, toutes nos motomarines étaient vendues, dit-il. Je crois que ça ressemblera encore à cela. »

Un coup de frein

BRP roule à vive allure depuis le début de la pandémie.

L’entreprise établie à Valcourt affiche des résultats record après les neuf premiers mois de son année financière. Toutefois, au troisième trimestre terminé le 31 octobre, la multinationale a vu ses profits et revenus fléchir, puisque les problèmes d’approvisionnement ont freiné sa capacité à regarnir les stocks de ses concessionnaires.

Malgré une amélioration constatée du côté des semi-conducteurs, il est difficile de contourner certains défis logistiques, a estimé le président et chef de la direction de BRP, José Boisjoli, mercredi, au cours d’une conférence téléphonique avec des analystes financiers.

C’est toujours difficile avec la haute saison de Noël. Comme vous le savez, il y a une pénurie de conteneurs, de bateaux… tout cela crée des perturbations.

José Boisjoli, président et chef de la direction de BRP

Le contexte actuel touche toutes les catégories de produits chez BRP, affirme M. Boisjoli. Les concessionnaires peuvent maintenant accepter les précommandes pour les VTT, mais avec une recommandation du constructeur.

« Nous avons dit de ne vendre que les unités qui ont été attribuées, a précisé le président de BRP. Actuellement, les concessionnaires savent combien de VTT ils recevront en décembre, janvier et février. Ils sont autorisés à vendre ces unités. »

Un jeu d’équilibre

Tous les concessionnaires joints par La Presse ont estimé que dans les circonstances, BRP « livre la marchandise », et ce, même s’ils doivent informer certains clients qu’ils devront patienter un peu plus longtemps que prévu pour avoir leur véhicule récréatif.

Voudraient-ils recevoir davantage d’unités, puisque la demande est forte ?

« La ligne est toujours mince entre en avoir suffisamment et en avoir trop, raconte M. Carrier. Plutôt que d’inonder le marché, tout le monde est content. De plus, dans [le marché d’occasion], les clients en profitent. Lorsqu’ils vendent leur véhicule, ils obtiennent un bon prix. »

De plus, le marché finira tôt ou tard par se « replacer », estime le président de Performance NC. Il faut ainsi trouver l’équilibre pour ne pas « tomber de haut » si ce rééquilibrage se produit.

BRP au troisième trimestre

  • Revenus : 1,59 milliard (-5 %)
  • Profits nets : 127,7 millions (-36 %)
  • Bénéfice d’exploitation ajusté : 251,7 millions (-28 %)
  • Cours de l’action à la fermeture de la Bourse de Toronto : 98,72 $ (-2,24 $, ou 2,2 %)

44 %

Recul en pourcentage des stocks chez les concessionnaires de BRP à la fin du troisième trimestre, par rapport à il y a un an.

Source : BRP