Québec va investir près de 475 millions $ sur trois ans pour aider l’industrie de l’aluminium à devenir plus efficace et réduire son empreinte environnementale.

Le gouvernement a dévoilé la Stratégie québécoise de l’aluminium (SQDA) 2021-2024, mardi, à Saguenay. Le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, estime que le plan amènera des investissements totaux de près de 2,5 milliards dans l’industrie.

« Avec notre contribution, on veut générer plus d’un milliard d’investissements dans la modernisation et la croissance de nos actifs de production d’aluminium primaire et plus de 400 millions $ dans la transformation de l’aluminium, précise-t-il en conférence de presse dans une usine d’EPIQ Machinerie. On veut aussi doubler la valeur des exportations de nos équipementiers d’ici 2025. »

Il ne faut pas s’attendre à une augmentation de la capacité de production, prévient toutefois le ministre en entrevue. En ce moment, il croit qu’il vaut mieux stimuler les investissements technologiques « pour faire plus de volume avec les mêmes équipements ».

« On ne verra pas beaucoup de nouvelle capacité, prévoit-il. On l’a vu avec les Chinois qui ont réduit leur production, ce qui a fait en sorte que ça l’a augmenté le prix de la commodité. »

Le gouvernement veut aussi encourager les activités de transformation au Québec et les exportations. « Plus on va convertir l’aluminium au Québec, plus on va créer de la richesse pour la société. »

Le ministre Fitzgibbon aimerait d’ailleurs qu’il se consomme plus d’aluminium au Québec. « Pourquoi pas ? On promeut déjà le bois d’ici. L’aluminium fait ici, ça serait peut-être intéressant qu’on puisse mieux le valoriser avec une plus grande utilisation. »

La stratégie gouvernementale répond aux demandes de l’industrie, croit Éloϊse Harvey, chef de la direction d’EPIQ Machinerie. Elle rappelle que les équipementiers en aluminium avaient réalisé un mémoire comportant six recommandations pour soutenir le développement de l’industrie. Toutes ses recommandations ont été prises en compte, affirme-t-elle. « On a été entendu. »

L’annonce a aussi été bien accueillie par le syndicat Unifor, qui représente des travailleurs dans plusieurs installations de RioTinto Alcan ainsi que chez plusieurs sous-traitants du géant de l’aluminium. « Il s’agit d’une bonne nouvelle particulièrement pour la deuxième et troisième transformation, ce que nous avions demandé lors des consultations. On voit que le gouvernement a tenu compte des consensus de la région, il faut s’en réjouir », commente le directeur québécois d’Unifor, Renaud Gagné, dans un communiqué.

Sylvain Gaudreault, député de Jonquière, se dit déçu du manque d’engagement pour sa région. « C’est une bonne nouvelle, mais c’est une stratégie nationale. Ce n’est pas une annonce spécifiquement pour le Saguenay Lac-Saint-Jean », déplore l’élu du Parti québécois.

Il s’inquiète pour le sort des travailleurs de l’usine d’Arvida de Rio Tinto à Saguenay. L’usine, dont les installations sont désuètes, devrait continuer ses activités jusqu’en 2025, mais le sort des travailleurs au-delà de cette date demeure incertain.

Rio Tinto doit annoncer « un investissement important » à ses installations du Saguenay–Lac-Saint-Jean, mercredi. M. Gaudreault espère que la société dévoilera ses plans pour l’avenir des travailleurs de l’usine d’Arvida.

« 2025, c’est bientôt. Il va falloir que Rio Tinto fasse des annonces pour compenser cette production-là par une autre production pour être capable de faire le pont pour les travailleurs. »

Un aluminium plus vert

Un axe important de la stratégie gouvernementale est d’encourager la réduction de l’empreinte carbone des alumineries, grâce à l’hydroélectricité et aux investissements dans la technologie.

L’industrie de l’aluminium québécoise a à la fois la particularité d’être moins polluante qu’ailleurs, mais elle demeure une importante émettrice de gaz à effet de serre (GES) de la province.

En 2018, la production d’aluminium était le procédé industriel qui émettait le plus de gaz à effet de serre dans la province à 4,7 millions de tonnes en équivalent dioxyde de carbone, selon le plus récent Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre.

Grâce à l’hydroélectricité, l’industrie a tout de même une empreinte carbone inférieure aux concurrents internationaux. Au Québec, la production d’une tonne d’aluminium émet l’équivalent de deux tonnes de GES. En Europe, ce ratio est de 16 tonnes tandis qu’il est de 30 tonnes en Chine.

M. Fitzgibbon admet que le terme « vert » est parfois galvaudé, mais il souligne que beaucoup d’efforts sont déployés par les principaux acteurs de l’industrie au Québec pour réduire son empreinte environnementale.

Le centre de recherche et de développement industriel ELYSIS tente de développer un aluminium sans carbone. La coentreprise détenue conjointement par Alcoa et Rio Tinto a annoncé au début du mois qu’elle avait réussi à atteindre un seuil industriel de production. Elle espère que sa technologie sera disponible pour commercialisation en 2024.

« Je suis très enthousiaste à l’idée que si cette technologie se déploie commercialement, ça va permettre au Québec d’être probablement le premier qui va vraiment faire un aluminium vert, qui va être carboneutre », se réjouit le ministre.