(Baltimore) Joe Biden se retrouve pris au piège d’une forte poussée de l’inflation aux États-Unis, qui met à mal son argumentaire de président proche des préoccupations de la classe moyenne, et assombrit ses grands projets d’investissements, qu’ils soient déjà votés ou encore en négociation.

Sur le port de Baltimore (nord-ouest), le président démocrate avait prévu mercredi de vanter ses 1200 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures, tout juste adoptés par le Congrès, et de défendre les 1750 milliards de dollars qu’il veut dépenser en plus dans la santé, la politique familiale, et la transition énergétique.

Mais lorsqu’il a pris la parole, sur fond de grues et de conteneurs, Joe Biden n’a pas eu le choix, il lui fallait évoquer d’abord la première préoccupation des Américains aujourd’hui : l’inflation.

Les prix à la consommation « restent trop élevés », a-t-il reconnu. En octobre, ils ont augmenté de 6,2 % comparé à octobre 2020, selon des statistiques officielles, du jamais-vu depuis… trente ans.

« Beaucoup de gens restent perturbés pour ce qui concerne l’économie et nous savons tous pourquoi », a-t-il dit, ajoutant, en référence à la hausse des prix et à des problèmes d’approvisionnement aux États-Unis : « Nous essayons de voir comment nous pouvons nous y attaquer frontalement. »

Disparue, la référence à un phénomène d’inflation « transitoire » qui faisait partie jusqu’ici des éléments de langage de la Maison-Blanche.

Désormais, freiner la hausse des prix, et notamment la flambée des prix à la pompe, est une « priorité absolue », avait déjà déclaré le président mercredi matin, dans un communiqué.

Les fermetures ponctuelles d’usines liées à la COVID-19, la congestion des ports provoquée par une pénurie de camionneurs combinée à une forte demande de produits importés ont considérablement augmenté ces derniers mois les coûts d’expédition des aliments, des meubles, des voitures, de l’énergie et d’une myriade d’autres produits.

Ces coûts, répercutés en partie sur les consommateurs, suscitent inquiétude et mécontentement, contribuant à dégrader la cote de confiance de Joe Biden, tombée à 43 %, selon le site FiveThirtyEight, qui fait la synthèse de divers sondages.

« Tout augmente »

Mercredi, Joe Biden s’est efforcé de soigner son image de président proche des inquiétudes de la classe moyenne ordinaire, déplorant que « tout augmente, l’essence comme le pain ».

Mais le président démocrate a assuré que ses gigantesques dépenses dans les ponts, les routes, les réseaux internet ou les canalisations d’eau potable n’alimenteraient pas la hausse des prix. Pas plus d’ailleurs que les énormes dépenses sociales qu’il prévoit et qui vont, au contraire, « soulager les tensions inflationnistes », a-t-il assuré.

Joe Biden n’a pas pu savourer longtemps le vote, au forceps, de son plan d’infrastructures vendredi par la Chambre des représentants. Et il avait sans doute espéré un contexte plus favorable pour la cérémonie de promulgation de cette loi, prévue lundi en grande pompe à la Maison-Blanche.

Le président démocrate doit désormais arracher un autre vote du Congrès, cette fois pour ses 1750 milliards de dollars de dépenses sociales et environnementales.

Les négociations s’annonçaient déjà difficiles et la poussée inflationniste complique encore la donne.

Le sénateur démocrate Joe Manchin, principal opposant à ce grand projet social et environnemental, a été prompt mercredi à réagir aux statistiques, lui qui assure qu’engager davantage de dépenses publiques ne fera qu’aggraver le problème.

« La menace posée par une inflation record pour le peuple américain n’est pas “ transitoire ” et s’aggrave au contraire », s’est-il insurgé mercredi sur Twitter.  

Les républicains de la commission du commerce et de l’énergie de la Chambre des représentants ont eux estimé que les États-Unis faisaient face à une crise de « Bidenflation ». « Dépenser des milliards de dollars supplémentaires en impôts et en dépenses ne fera qu’aggraver la crise à laquelle les Américains sont confrontés », ont-ils tweeté.