La vaccination obligatoire contre la COVID-19 n’est pas nécessaire pour des « travailleurs évoluant principalement seuls dans des pièces de machinerie lourde », plaide le Syndicat des débardeurs du port de Montréal, qui demande que ses membres soient exemptés. Cela déplaît dans le milieu des affaires, qui veut éviter toute nouvelle perturbation des activités.

Ce plaidoyer du président syndical Martin Lapierre s’est fait par l’entremise d’une lettre récemment envoyée à la directrice générale de la sécurité et de la sécurité maritime chez Transports Canada, Julie Gascon, que La Presse a pu consulter.

« Nos membres sont aussi en droit de disposer de leur corps sans pour autant être associés à une quelconque mouvance conspirationniste », écrit-il dans sa missive de deux pages.

En plus des employés fédéraux, le gouvernement Trudeau a décidé d’assujettir les travailleurs des secteurs aérien, ferroviaire et maritime sous réglementation fédérale à l’exigence de vaccination contre le nouveau coronavirus.

M. Lapierre n’était pas disponible pour accorder des entrevues.

Dans sa lettre, il souligne que le « niveau actuel du taux de vaccination de la population québécoise » ne justifie pas l’imposition de la vaccination obligatoire contre la COVID-19.

Le Syndicat des débardeurs SCFP, section locale 375, affilié à la FTQ, représente quelque 1125 membres. Il plaide que depuis le début de la crise sanitaire, « aucune éclosion ni propagation n’a été observée ». On ignore le nombre de débardeurs adéquatement vaccinés.

Les plus récents détails émanant de Transports Canada concernant le secteur maritime ont été diffusés lundi. On n’y retrouve aucune référence aux débardeurs pour le moment. Dans un courriel, jeudi, Transports Canada n’a pas précisé quand la politique entrerait en vigueur, mais a ajouté que les administrations portuaires pourraient appliquer les exigences fédérales.

« Celles-ci visent leurs employés ainsi que leurs locataires et contractants, y compris les débardeurs », a écrit une porte-parole de Transports Canada, Frédérica Dupuis.

Salariés de l’Association des employeurs maritimes (AEM), les débardeurs travaillent sur des terminaux exploités par des entreprises privées, mais qui se trouvent sur des installations de compétence fédérale.

Pressions logistiques

Cette demande syndicale survient au moment où les chaînes logistiques mondiales sont fragilisées entre autres parce que les activités tournent au ralenti dans de nombreux ports aux quatre coins du monde, ce qui provoque une véritable congestion – à moins de deux mois du temps des Fêtes – de la chaîne d’approvisionnement.

Le scénario ne s’est pas encore produit au port de Montréal, où le volume de conteneurs qui « équivalent 20 pieds » est en hausse de 11 % depuis le début de l’année.

Depuis l’automne 2019, plusieurs évènements – une grève des cheminots de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), les blocus ferroviaires de l’hiver 2020 ainsi que deux débrayages des débardeurs – ont perturbé les activités portuaires, ce qui a eu des répercussions dans divers secteurs de l’économie.

Toujours sans contrat de travail, les débardeurs sont retournés au travail lorsque la loi spéciale du gouvernement Trudeau, qui est contestée devant les tribunaux, a été sanctionnée, le 30 avril dernier.

Selon la présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), Véronique Proulx, la situation est préoccupante.

Est-ce qu’il pourrait y avoir des bris de service parce que des débardeurs se retrouvent en congé sans solde s’ils refusent la vaccination ? Et si le gouvernement ne met pas en place des conditions pour prévenir des éclosions, cela est aussi préoccupant.

Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec

Mme Proulx estime que, depuis deux ans, de nombreuses entreprises « rament à contre-courant » en raison des perturbations temporaires au port de Montréal.

Selon le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Karl Blackburn, les installations portuaires sont « essentielles ». Il faut donc mettre en place les conditions qui garantissent le maintien des activités.

« On n’a pas de risques à prendre, a estimé M. Blackburn. Il n’y a pas eu d’éclosions, mais cela ne veut pas dire que nous sommes à l’abri. Cela passe par la vaccination, comme le suggère le fédéral. »

L’AEM n’a pas commenté directement la lettre signée par M. Lapierre. Dans un courriel, elle s’est limitée à rappeler qu’elle « encourage ses employés à se faire vacciner » en plus d’élaborer des « protocoles rigoureux » pour prévenir les éclosions.

De son côté, le président-directeur général de l’Administration portuaire de Montréal, Martin Imbleau, n’était pas au courant de cette requête.

« Ce n’est pas à moi à faire des commentaires, a-t-il dit, au cours d’un entretien téléphonique. On a reçu une directive claire de Transports Canada d’encourager nos locataires à mettre en place des politiques qui incitent à la double vaccination. »

Responsable de la construction et de l’entretien des installations portuaires qu’elle loue à des entreprises privées, l’Administration a indiqué que ses quelque 250 employés suivaient les directives gouvernementales.

88 %

Proportion de la population québécoise âgée de 12 ans et plus ayant retroussé la manche à deux reprises