Avec COVID-19, le mot le plus entendu cette année sur la planète économique est probablement « carboneutre ». Et net zéro. Partout, investisseurs, entreprises et gouvernements annoncent leurs intentions de réduire et de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre les changements climatiques.

Le mouvement s’accélère, ce qui est encourageant. À l’occasion de la 26e Conférence des parties (COP26), où tous les pays devront mettre de l’avant leurs intentions en matière climatique, la Chine, le plus important émetteur mondial de gaz à effet de serre, a annoncé à son tour son engagement d’atteindre la neutralité carbone avant 2060.

Les gouvernements ont déjà pris beaucoup d’engagements, qui ont rarement été respectés. On ne les croit plus tellement.

Les gouvernements changent, les priorités aussi, et les élus sont peu enclins à imposer les règles plus strictes qu’il faudrait pour avoir des résultats de peur de mettre leur économie à mal ou de perdre les prochaines élections, ou les deux.

À plusieurs égards, les entreprises et les investisseurs ont plus de pouvoir pour changer les choses. Les entreprises peuvent se fixer des objectifs et mesurer le progrès qu’elles accomplissent et les résultats qu’elles obtiennent. Les investisseurs, de leur côté, peuvent choisir les entreprises qui font des efforts pour lutter contre les changements climatiques et les inciter à faire plus et mieux.

C’est ce qui est à l’œuvre. Pas une journée ne passe sans une annonce de cible de carboneutralité. Il y a quelques années, c’était surtout les entreprises du secteur des services qui se risquaient à faire le pas vers la carboneutralité. C’est plus facile quand on exploite des magasins que lorsqu’on fabrique du papier.

De plus en plus de manufacturiers et de producteurs de toutes sortes de biens ont décidé de s’y mettre. C’est le cas de Suncor au Canada. Le producteur de pétrole à partir des sables bitumineux de l’Ouest canadien vise la carboneutralité de ses activités en 2050. Même l’Arabie saoudite, premier producteur mondial de pétrole, s’est donné l’objectif d’être carboneutre en 2060.

De 2019 à 2020, le nombre d’entreprises qui ont annoncé un objectif de zéro émission a doublé, selon MCSI, la firme de recherche qui conseille les grands investisseurs. Un nombre croissant ont entrepris un processus de décarbonation de leurs activités, ce qui veut dire qu’elles se sont engagées publiquement à réduire leurs émissions.

Paroles, paroles, paroles

Du côté des grands investisseurs, la tendance est la même. Les uns après les autres, les institutions financières et les fonds d’investissement annoncent leur intention de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Les capitaux affluent dans les entreprises qui se sont dotées de règles ESG, c’est-à-dire celles qui tiennent compte dans leurs décisions des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les caisses de retraite annoncent peu à peu qu’elles retirent leurs billes des secteurs les plus polluants.

Toutes ces annonces laissent croire à un progrès réel dans la volonté d’agir. C’est tant mieux, mais il reste à voir si les résultats seront à la hauteur. C’est plus facile aujourd’hui de mesurer les progrès réalisés en fonction des objectifs annoncés, particulièrement pour les grandes entreprises dont les actions sont inscrites à la Bourse et dont les progrès sont scrutés par les analystes.

Mais les critères d’évaluation sont loin d’être parfaits, et il y a encore beaucoup à faire de ce côté pour avoir une idée de ce qui a été accompli et de ce qui reste à faire.

On peut déjà commencer à réduire nos attentes, du moins en ce qui concerne les grands fonds d’investissement. Sur 16 500 fonds d’investissement analysés par le Carbon Disclosure Project, seulement 158 ont investi conformément aux objectifs de l’accord de Paris pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C.

C’est à peine 0,5 % des actifs de 27 000 milliards de dollars américains détenus par ces 16 500 fonds ouverts au public examinés par l’organisation internationale qui se spécialise dans la collecte de données environnementales.

Ces résultats montrent que peu d’entreprises sont passées de la parole aux actes depuis 2015 et que la pression des grands investisseurs ne suffit pas à changer les choses. Money talks, comme on dit. Mais pas encore assez fort, semble-t-il.