Comme la plupart des pays en développement, la Chine s’est donné pour objectif de sortir sa population de la pauvreté. Depuis Deng Xiaoping, la richesse n’est plus taboue dans l’empire du Milieu et les Chinois sont encouragés à travailler fort pour améliorer leur sort.

Force est de constater que ce virage du Parti communiste chinois a donné des résultats prodigieux. Le pays domine aujourd’hui l’économie mondiale et son expansion se poursuit. Des millions de Chinois ont pu sortir de la pauvreté et des millions d’autres se sont enrichis. Trop, aux yeux de dirigeants actuels du pays.

Quand il s’est adressé au comité des affaires économiques et financières de son gouvernement, récemment, le président chinois Xi Jinping a été plus clair que jamais sur la nécessité pour son pays de limiter l’enrichissement excessif et d’encourager les mieux nantis à redonner à la collectivité.

L’écart entre les riches et les pauvres, qui s’était resserré depuis 2008, s’est remis à croître. Tel que mesuré par le coefficient de Gini, le niveau d’inégalités en Chine, un pays communiste, est comparable à celui du royaume du capitalisme, les États-Unis.

Les inégalités sociales ne sont pas une nouveauté en Chine, mais elles ont changé de visage. De plus en plus, les riches sont des entrepreneurs qui ont réussi en suivant les règles du jeu capitaliste. Il y a maintenant plus de milliardaires à Pékin que dans toute autre ville du monde.

Un nombre croissant de dirigeants d’entreprises chinoises font leur apparition dans le club sélect des ultra-riches de la planète. Certains, comme Jack Ma (Alibaba), sont connus depuis longtemps, et d’autres, Ma Huateng (Tencent, qui détient l’application WeChat) ou Zhang Yiming (TikTok), par exemple, sont rapidement devenus des stars du monde de l’internet.

  • Fortune estimée de Jack Ma, d’Alibaba Group

    INFOGRAPHIE LA PRESSE

    Fortune estimée de Jack Ma, d’Alibaba Group

  • Fortune estimée de Ma Huateng, PDG de Tencent

    INFOGRAPHIE LA PRESSE

    Fortune estimée de Ma Huateng, PDG de Tencent

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Géant du web et interventionnisme

Comme ç’a été le cas dans notre partie du monde, la pandémie a beaucoup profité à ces géants de l’internet et du commerce en ligne. Leur puissance financière inquiète le gouvernement chinois, qui leur a coupé les ailes. La réglementation a été resserrée et les géants du web ont dû freiner leurs ambitions. Tencent a été empêchée de fusionner les deux plus grandes plateformes chinoises de jeux en ligne. À la fin de 2020, Pékin avait stoppé net l’entrée en Bourse d’Ant Group, filiale d’Alibaba.

Dans son discours, le président chinois a aussi exhorté les plus riches à redonner à la collectivité. Plusieurs d’entre eux se sont empressés de le faire. Tencent a ainsi fait savoir qu’elle donnerait 50 milliards de yuans, soit l’équivalent de 9 milliards de dollars canadiens, à « la prospérité commune » que Xi Jinping veut maintenant encourager.

PHOTO LI XUEREN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Xi Jinping, président de la Chine

Beaucoup de gouvernements veulent s’attaquer à la hausse des inégalités. La Chine réussira-t-elle là où la plupart échouent ? Le régime chinois a des moyens que les démocraties n’ont pas pour y parvenir.

En tout cas, il y a des investisseurs qui prennent très au sérieux la remontrance adressée par Xi Jinping aux ultra-riches. Dans les heures qui ont suivi la publication des propos du dirigeant chinois, les actions des grands du luxe, LVMH, Gucci, L’Oréal et Hermès, ont subi toute une dégelée en Bourse.

Il faut dire que le marché chinois est devenu le marché le plus important pour ces entreprises qui s’adressent à la frange des mieux nantis de la planète. Avant la pandémie, le tiers de leurs ventes dépendaient du marché chinois. Le confinement généralisé dans les pays occidentaux a fait encore plus de place aux consommateurs chinois qui, premiers à s’être libérés de la pandémie, ont été pratiquement tout seuls dans ce marché au cours de la dernière année.

Si ça devient mal vu de s’afficher avec un sac Prada ou un manteau Dior dans les rues de la capitale chinoise, Bernard Arnault et ses pairs ont des raisons d’être inquiets.