(Bruxelles) Bruxelles a proposé mercredi de s’octroyer de nouveaux pouvoirs pour limiter les incursions dans l’UE des entreprises étrangères soutenues par l’État, une réponse européenne à la montée en puissance de la Chine.

Avec cette proposition, la Commission européenne entend se donner les moyens de bloquer une acquisition ou l’accès à un marché public si une entreprise étrangère est trop lourdement subventionnée.

« L’ouverture du marché unique est notre principal atout, mais elle doit s’accompagner d’une certaine équité », a expliqué la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager.

La Danoise souligne que la législation en vigueur permet à l’UE de contrôler les aides accordées par les États membres, mais pas celles allouées par des pays tiers, ce qui crée des distorsions de concurrence.

Ce texte s’inscrit dans le cadre d’un durcissement de l’Europe vis-à-vis de Pékin, son deuxième partenaire commercial après les États-Unis, avec qui elle s’efforce de maintenir un équilibre économique et diplomatique.

D’un côté, l’Allemagne souhaite garder des liens avec cette destination privilégiée pour ses exportations ; de l’autre, certains États membres s’inquiètent de la concurrence déloyale d’entreprises chinoises largement subventionnées par le régime communiste.

La tension entre les deux blocs est aussi politique : l’UE a imposé des sanctions contre la Chine, accusée de violations des droits de l’Homme dans la région du Xinjiang. Celle-ci a répliqué en sanctionnant divers parlementaires européens, des universitaires et le cercle de réflexion allemand MERICS.

Selon la législation présentée mercredi, une entreprise étrangère qui cherche à acquérir une société européenne au chiffre d’affaires annuel supérieur à 500 millions d’euros devra notifier la Commission de « toute contribution financière reçue d’un pouvoir public d’un pays tiers ».

Il en irait de même pour un groupe candidat à un grand marché public de l’UE, comme dans le rail ou les télécommunications, d’une valeur supérieure à 250 millions d’euros.

Dans le cas contraire, la Commission pourrait infliger des amendes.

Bruxelles prévoit aussi d’ouvrir des enquêtes de sa propre initiative dans les autres cas de figure.

Secteurs stratégiques

En cas de distorsion de concurrence, l’exécutif européen pourrait réclamer des mesures correctives, comme des cessions, et même interdire une concentration ou l’attribution d’un marché public.

Les prêts à taux zéro, un traitement fiscal préférentiel ou tout simplement des subventions directes pourraient faire partie des aides considérées comme faussant la concurrence.

La proposition, qui doit maintenant être examinée par le Parlement européen et les États membres, a été qualifiée de « pas dans la bonne direction » par l’organisation patronale européenne BusinessEurope.

Le texte ne vise pas officiellement à contrer un pays en particulier, mais des sources européennes conviennent que les préoccupations concernant la Chine sont au cœur de sa rédaction.

Il est présenté peu de temps après l’accord surprise sur les investissements conclu fin 2020 entre Bruxelles et Pékin, après des années de blocage, qui doit encore être ratifié.

Le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, a déclaré mardi à l’AFP que les « efforts » de ses services pour cela avaient été « suspendus ». « Dans la situation actuelle […] l’environnement n’est pas propice à la ratification de l’accord », a-t-il affirmé.

La chancelière allemande Angela Merkel a cependant défendu mercredi cet accord, qu’elle a qualifié d’« initiative très importante » malgré « toutes les difficultés qui vont certainement apparaître en ce qui concerne la ratification ».

Bruxelles a également publié mercredi une mise à jour de sa stratégie industrielle pour aider l’UE à réduire sa dépendance vis à vis de l’étranger et en particulier la Chine.

Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, a souligné que l’UE avait été « trop naïve » dans son approche de certains secteurs stratégiques comme les puces électroniques, essentiellement produites en Asie.

La pandémie a appris à l’UE que « le partenaire d’hier ne pouvait pas être le partenaire d’aujourd’hui », a souligné le Français.

La Commission étudie les moyens de renforcer l’indépendance européenne dans plusieurs secteurs comme la 5G, l’hydrogène et éventuellement les lanceurs spatiaux et l’aviation à émissions nulles.