Les banques centrales ont du pain sur la planche actuellement pour gérer l’impact de la pandémie. Plus que jamais auparavant, elles se servent de tout ce que contiennent leurs boîtes à outils pour tenter d’empêcher l’économie mondiale de s’écraser.

La Banque du Canada, la Banque centrale européenne et quelque 80 autorités monétaires du monde mènent en parallèle un autre combat important : celui contre les changements climatiques.

Ces institutions se sont jointes à une organisation qui répond au nom de Network for Greening the Financial System (NGFS) ou, si on veut le dire en français, le Réseau des banques centrales et des superviseurs pour verdir le secteur financier. Leur objectif est d’estimer et de prévoir l’impact des changements climatiques sur l’économie.

Le Réseau des banques centrales pour le verdissement du secteur financier existe depuis 2017. La Banque du Canada a rejoint le réseau en 2019. Et la Réserve fédérale américaine a finalement embarqué en décembre dernier, après le changement d’administration aux États-Unis.

À première vue, on peut se demander ce qu’une banque centrale peut bien faire pour lutter contre les changements climatiques. Les autorités monétaires n’ont pas de pouvoir de réglementation. Elles ne commenceront pas à investir dans les éoliennes ou les panneaux solaires pour contribuer à la décarbonisation de l’économie.

L’intérêt des banques centrales pour les changements climatiques est d’abord et avant tout un geste défensif. Leur rôle est d’abord et avant tout de maintenir la stabilité du système financier. Et les changements climatiques menacent cette stabilité.

On en a la preuve chaque jour avec les évènements climatiques qui se multiplient et qui causent des pertes pour lesquelles personne ne veut payer. En 2020, les assureurs privés et les gouvernements ont déboursé 97 milliards de dollars américains pour compenser des dommages météorologiques. C’est une fraction du coût total de ces évènements, qui a atteint 268 milliards US, relève l’assureur Aon dans son rapport annuel 2020.

Ce n’est pas seulement un problème pour les assureurs. Avec le temps, les assureurs peuvent se retirer des zones les plus à risque d’ouragans, d’incendies de forêt ou d’inondations à répétition. Les banques qui auront perdu de l’argent peuvent refuser de financer des maisons ou des usines situées dans des zones à risque. Les propriétaires et les investisseurs y perdront leur mise.

Un potentiel destructeur

Le potentiel destructeur pour l’économie mondiale de cette chaîne de conséquences est encore mal estimé. Mais ce n’est pas de la science-fiction.

En Floride, de nombreuses compagnies d’assurance ont délaissé le marché à la suite des ouragans Katrina et Irma. Depuis, le coût des assurances a flambé.

L’agence S&P Global Ratings vient de réduire la cote de crédit des géants américains du pétrole ExxonMobil, ConocoPhilips et Chevron en raison notamment des risques climatiques.

Le réchauffement de la planète peut aussi amputer les superficies cultivables et faire disparaître des territoires entiers sous le niveau des eaux.

Les grands investisseurs privés ont déjà réagi pour se protéger des conséquences des changements climatiques. Un nombre croissant d’entre eux, dont BlackRock, le plus gros fonds privé d’investissement au monde, ont annoncé leur intention de ne plus investir dans les entreprises les plus polluantes et celles qui n’ont pas de plan pour réduire leurs émissions.

Ce n’est pas seulement pour le bien de la planète qu’ils le font, c’est aussi parce que le rendement de tout le système financier, des obligations municipales aux hypothèques à long terme, sera influencé par les facteurs environnementaux. Les scénarios à l’étude au sein des banques centrales prévoient déjà une baisse de productivité et une réduction de la croissance économique mondiale.

Pour le Canada, la conséquence la plus importante est que les entreprises du secteur pétrolier et gazier, qui émettent beaucoup de CO2, pourraient avoir de plus en plus de mal à trouver du capital pour se financer. Le pétrole reste, encore aujourd’hui, le principal produit d’exportation du Canada.

Il ne faut donc pas s’étonner que la Banque du Canada et les autres banques centrales du monde s’intéressent à la question des changements climatiques. Leur défi est d’intégrer le risque lié au climat à leurs modèles traditionnels pour prévenir les chocs qui s’annoncent.