(Genève) L’OMC a infligé mardi un sérieux camouflet à l’administration Trump, en dénonçant l’illégalité des taxes douanières punitives imposées à la Chine au début de la guerre commerciale entre les deux grandes puissances.

Ce cas, porté par Pékin devant l’Organisation mondiale du commerce en 2018, porte sur une première tranche de droits de douane imposés par les États-Unis sur quelque 250 milliards de dollars de biens chinois.

Réagissant au verdict de l’Organe de règlement des différends de l’OMC, l’administration Trump a jugé l’organisation « totalement inadéquate » pour mettre fin aux pratiques commerciales de la Chine jugées déloyales. Elles avaient amené Washington à imposer des taxes douanières additionnelles contre Pékin.

« Bien que le groupe spécial (d’experts de l’OMC) n’ait pas contesté les nombreux éléments de preuve présentés par les États-Unis concernant le vol de propriété intellectuelle par la Chine, sa décision montre que l’OMC n’offre aucun recours pour une telle faute », a déploré le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer dans un communiqué.

Pékin a salué un jugement de l’OMC « juste et objectif ».

« La Chine espère que les États-Unis respecteront pleinement la décision du groupe spécial de l’OMC et le système commercial multilatéral fondé sur des règles », a réagi dans un communiqué un porte-parole du ministère chinois du Commerce.

Ces taxes douanières punitives ont marqué le début d’une guerre commerciale entre les deux géants économiques et constitué l’une des marques de fabrique de la présidence Trump, qui a accusé la Chine de pratiques commerciales malhonnêtes, de vol de propriété intellectuelle, et de vouloir utiliser la technologie pour étendre son emprise sur certaines régions du monde ou pour renforcer la répression en Chine notamment contre les musulmans ouïghours.

Washington et Pékin ont ensuite conclu un accord commercial, en grande partie au point mort.

« Solution mutuellement satisfaisante »

Dans sa décision rendue mardi dans cette affaire, l’Organe de règlement des différends de l’OMC a conclu que « les mesures en cause sont incompatibles » avec divers articles du GATT (ancêtre de l’OMC), et « recommande que les États-Unis rendent leurs mesures conformes à leurs obligations ».

Le rapport de 72 pages souligne notamment que « les États-Unis n’ont pas fourni d’éléments de preuve ou d’explications suffisantes pour étayer leur affirmation selon laquelle les mesures étaient nécessaires pour protéger les “normes du bien et du mal” qu’ils invoquaient et qui étaient considérées comme relevant de la moralité publique aux États-Unis ».

Les deux parties peuvent faire appel de la décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) mais l’organe d’appel de l’institution basé à Genève n’est plus opérationnel depuis le 11 décembre, faute de magistrats en nombre suffisant.

Washington, s’estimant « inéquitablement » traité par le gendarme du commerce mondial et qui a menacé de quitter l’organisation dont il réclame la refonte, paralyse en effet depuis décembre le tribunal d’appel en bloquant la nomination de juges.

Dans l’attente, la Chine et plusieurs autres pays, parmi lesquels ceux de l’Union européenne, ont mis en place une cour d’appel temporaire pour régler leurs litiges commerciaux, mais les États-Unis refusent d’y participer, estimant qu’il faut remettre l’organe d’appel en état de marche.

Dans son rapport, le panel d’experts de l’OMC s’est dit « tout à fait conscient du contexte plus large dans lequel le système de l’OMC fonctionne actuellement, contexte qui reflète une série de tensions commerciales mondiales sans précédent ».

Et il encourage les États-Unis et la Chine « à poursuivre leurs efforts en vue d’arriver à une solution mutuellement satisfaisante ».

Le groupe d’experts note également qu’il ne s’est pas prononcé sur les contre-mesures prises par Pékin en réponse aux taxes douanières punitives américaines, car « les pouvoirs publics des États-Unis n’ont pas engagé d’action » auprès de l’OMC à ce sujet.