La vente du fleuron montréalais de l’intelligence artificielle Element AI à une firme américaine, la semaine dernière, a mis la table pour le « wake-up call » que veut lancer le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon.

« Le Québec est sous-productif par rapport à l’Ontario, en règle générale, a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse […]. L’intelligence artificielle fait partie du remède. » Le ministre profitera de son discours d’ouverture ce lundi matin, dans le cadre du forum « De l’IA à l’entreprise », pour présenter une piste de solution : investir dans la formation d’experts qui pourront accompagner les entreprises dans leur utilisation de l’intelligence artificielle.

« Je veux voir des choses tangibles se boucler pour que les entreprises puissent bénéficier de l’IA […] On va mettre beaucoup d’efforts pour de l’assistance humaine, pour former des conseillers qui vont pouvoir expliquer plus pratiquement ce que ça veut dire, l’IA. Le timing est bon. »

L’échec d’Element AI

La reconnaissance internationale dont profite Montréal en IA, notamment grâce aux travaux du chercheur Yoshua Bengio, est un acquis inestimable, précise-t-il.

En entrant en poste, c’est clair que je devais continuer notre stratégie en IA. L’enjeu était par contre d’établir des ponts entre la recherche fondamentale et appliquée […] Le bénéfice ultime, c’est que nos PME puissent en profiter.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation

Le ministre est revenu sur la vente du symbole de l’IA à Montréal, Element AI, à une firme californienne, ce que beaucoup d’observateurs ont qualifié de fiasco. Il a en passant corrigé deux informations qui ont circulé : la transaction était de 200 millions US plutôt que 400, pour environ 250 employés plutôt que 500.

« J’ai considéré que les 200 millions, on pouvait les mettre ailleurs. Qu’est-ce qu’il y avait dans Element AI ? Un regroupement de talents. Si quelqu’un a payé 200 millions, c’est qu’il considérait que ça valait ça […] Nous, on a décidé qu’il n’y avait pas de rendement financier à court terme. Je mets 200 millions dans Element AI ou j’encourage d’autres entreprises ? C’est une décision qu’on a prise. »

Cela dit, il s’inscrit en faux quand on lui suggère que Montréal est somme toute un acteur mineur en IA, comparativement à Toronto et de la Silicon Valley, si on exclut la recherche fondamentale, la vraie force de la métropole. « Element AI a été un échec, mais il y a eu beaucoup de succès au Québec : Lightspeed, Coveo, BrainBox AI… Il y a beaucoup de succès au Québec là-dedans. Il y a 260 000 entreprises au Québec, il faut aller plus loin. »

Annonces à venir

Les fonds ne manquent pas : 105 millions pour que « les entreprises s’approprient l’IA », 38 millions pour attirer les chercheurs, 13 millions en formation, au sein d’une enveloppe de 500 millions annoncée le 12 novembre dernier par le ministre des Finances, Eric Girard. Enveloppe à laquelle il faut ajouter des centaines de millions dont dispose Investissement Québec, précise M. Fitzgibbon.

Toutes les entreprises ne sont pas prêtes à faire le saut vers l’IA, reconnaît le ministre. « Elles doivent amasser des données, et pas n’importe lesquelles. Il faut les décontaminer, et ensuite prendre des algorithmes pour bâtir des modèles prédictifs. C’est assez complexe. »

Pour le volet plus particulier de l’innovation et de la numérisation, dont fait partie l’IA, « des programmes spécifiques vont venir, promet le ministre Fitzgibbon. Je vais annoncer ce lundi le projet d’innovation en entreprise pour l’IA, on va annoncer dans les prochains mois d’autres initiatives significatives. »