(Londres) L’économie britannique, qui s’est brutalement contractée en mars et avril avant un maigre rebond en mai, fait face à sa pire récession « en 300 ans » à cause de la pandémie, d’après un organisme gouvernemental.

Le produit intérieur brut a chuté de 19,1 % au Royaume-Uni de mars à mai comparé à la période de décembre à février, accusant l’impact du nouveau coronavirus, avec une embellie de seulement 1,8 % en mai, a indiqué mardi l’Office national des statistiques (ONS).

Ce rebond que les analystes jugent décevant les fait douter de la possibilité d’une reprise en « V », à savoir un redressement aussi vif que la contraction a été brutale.

D’autant que le PIB reste inférieur d’un quart comparé à son niveau de février, avant que le nouveau coronavirus ne frappe pleinement l’économie britannique et mondiale.

D’après l’Office de responsabilité budgétaire (OBR), organisme public de supervision du budget gouvernemental, l’économie britannique pourrait se contracter de jusqu’à 14,3 % cette année à cause de la COVID-19 selon un scénario pessimiste, et d’au moins 10,6 % d’après un scénario optimiste.

Le taux de chômage pourrait grimper à 10 % dans le meilleur des cas et jusqu’à 13 % dans le pire scénario.

Le Royaume-Uni est « parti pour enregistrer sa plus forte contraction annuelle du PIB en 300 ans », insiste l’OBR, qui estime que l’activité du pays pourrait ne retrouver ses niveaux d’avant la pandémie que fin 2024.

L’ONS souligne qu’avec les toutes premières mesures d’assouplissement mi-mai du confinement instauré le 23 mars pour freiner la pandémie, la production manufacturière et la construction de logements, particulièrement frappée par les restrictions imposées sur l’activité, ont montré des signes de reprise.

Dans le secteur des services, qui représente la grande majorité de l’économie britannique, « nous avons observé un rebond dans la distribution avec notamment un record de ventes en ligne », ajoute Jonathan Athow, statisticien de l’ONS cité dans le communiqué.

Pris en étau

Toutefois, avec les restrictions aux déplacements et le confinement encore largement en place dans les autres secteurs en mai, « beaucoup de domaines ont vu leur activité encore décliner », précise-t-il.

Les commerces considérés comme non essentiels ont rouvert en juin et les restaurants, bars, hôtels, cinémas et musées ont reçu le feu vert du gouvernement pour début juillet.

Les salles de sport pourront rouvrir plus tard ce mois-ci mais certains secteurs, notamment les salles de concerts ou centres de convention, sont toujours contraints à l’inactivité et beaucoup avertissent qu’ils risquent la faillite.

Pour tenter de garder l’économie sous perfusion et surtout empêcher la destruction durable de millions d’emplois, le gouvernement britannique a mis en place un arsenal de mesures, notamment des aides au chômage partiel dont ont bénéficié plus de 9,3 millions de postes. Elles seront graduellement éliminées à partir d’août et jusqu’à fin octobre.

Ce plan de soutien à l’économie « fait grimper l’emprunt du secteur public à 322 milliards de livres ou 16 % du PIB, son niveau le plus élevé en temps de paix en plus de 300 ans », d’après le scénario central de l’OBR et sans compter le coût de nouvelles mesures annoncées le 8 juillet par le Chancelier de l’Echiquier.  

L’OBR avertit qu’il faudra « à un moment donné augmenter les impôts ou réduire les dépenses pour remettre les finances publiques sur une trajectoire durable ».

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays dans ce cas et les finances publiques de nombre de pays européens aux perspectives de croissance moins bonnes sont probablement plus mal en point, remarque Ruth Gregory, économiste de Capital Economics.

Mais au choc du nouveau coronavirus s’ajoute pour le Royaume-Uni la menace d’un Brexit sans accord à l’issue de la période de transition fin décembre, tandis que les négociations entre Londres et l’UE sont dans l’impasse.

Mme Gregory souligne que le gouvernement pourrait aussi compter sur l’érosion monétaire pour réduire le ratio dette/croissance mais que l’assainissement des finances publiques pourrait prendre « des décennies plus que des années ».