Au lendemain de la nomination de Tiff Macklem à tête de la Banque du Canada, un organisme voué à une meilleure représentation des femmes dans les hautes sphères décisionnelles déplore une occasion manquée de doter la banque centrale de sa toute première gouverneure.

Son actuelle numéro deux, Carolyn Wilkins, se retrouvait effectivement haut sur la liste des potentiels successeurs à Stephen Poloz, qui quittera son poste en début juin.

« Ça aurait été une formidable opportunité, surtout sachant qu’il s’agit d’une femme qui a quand même un parcours exceptionnel, qui a réussi à se positionner avec brio au sein de la banque », fait valoir Caroline Codsi, la présidente et fondatrice de l’organisme La Gouvernance au féminin.

Mme Wilkins présentait selon elle un « choix tout naturel » pour le gouvernement de Justin Trudeau, qui se présente comme résolument féministe. Même si elle croit en la bonne foi des libéraux fédéraux, Caroline Codsi estime que leur décision témoigne d’une frilosité face aux candidatures féminines en temps de crise.

« Quand on se retrouve dans des situations plus difficiles, tous ces vœux pieux de resserrer l’écart entre les genres disparaissent et on retourne vers ce qui est bien connu, ce à quoi a l’habitude toujours des hommes, toujours des blancs, toujours à peu près le même âge », observe-t-elle.

Et ce phénomène est largement répandu aux yeux de Mme Codsi, qui raconte avoir elle-même eu affaire à des organisations qui, face à la pandémie, ont retiré la parité de leurs orientations prioritaires. Elle cite aussi en exemple le Royaume-Uni, qui a tout récemment levé l’obligation pour les entreprises de divulguer l’écart salarial entre leurs employés.

Les explications fournies vendredi pour la nomination de Tiff Macklem semblent confirmer qu’il était davantage perçu comme une « valeur sûre » en période d’incertitude économique.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Tiff Macklem

M. Macklem occupait le même poste que Carolyn Wilkins il y a un peu plus de 10 ans, lorsque le Canada sortait de la crise financière mondiale de 2008. Ces antécédents font partie des raisons pour lesquelles il a été retenu, a confirmé Claire Kennedy, qui présidait le comité de recrutement de la banque ayant recommandé sa candidature.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a pour sa part expliqué que la banque et le gouvernement recherchaient « une personne possédant une expertise et une compréhension approfondies non seulement de l’économie canadienne, mais de l’économie mondiale et du défi actuel ». Et selon l’analyse de l’économiste en chef de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, le gouvernement a souligné la nécessité d’une « stabilité institutionnelle » en le choisissant.

Il deviendra le dixième homme à diriger la Banque du Canada depuis sa création.