Québec érige une première ligne de défense contre la fraude imputable aux vols de données personnelles.

Le ministre des Finances, Éric Girard, a déposé jeudi un projet de loi qui vise spécifiquement les agences d’évaluation de crédit, soit les institutions qui établissent les cotes de crédit des consommateurs et qui sont consultées par les institutions à qui l’on demande un prêt ou une carte de crédit.

L’objectif est de resserrer l’encadrement de leurs activités et d’offrir au consommateur les leviers requis pour qu’il puisse être informé de l’état de son dossier et poser des gestes pour bloquer des tentatives illicites d’obtenir du crédit avec ses informations personnelles.

Gel de sécurité

Le projet de loi 53 introduit ainsi le « gel de sécurité », une première au Canada bien qu’il existe aux États-Unis, qui permet au consommateur d’empêcher que les informations contenues à son dossier soient utilisées pour l’octroi de nouveaux crédits.

« Dans le cas où vous êtes victime de vol d’identité, qui est le cas le plus dommageable, vous pourrez contrôler personnellement l’accès à votre dossier de crédit par les institutions financières et, donc, prévenir l’octroi, par exemple, de fausses cartes de crédit ou de cartes de crédit que n’avez pas demandées », a expliqué le ministre.

Il instaure aussi la « note explicative », qui devra paraître au dossier du consommateur qui en fait la demande et qui permettra à ce dernier d’exposer sa version des faits lorsqu’il y a un désaccord concernant un élément de son dossier.

Alerte de sécurité

La troisième mesure est l’imposition d’une « alerte de sécurité » qui, une fois en vigueur, obligera ceux qui manipulent les dossiers de crédit à prendre des mesures additionnelles pour s’assurer de l’identité du consommateur avec lequel ils font affaire.

« Lorsque, sous votre nom, il y a une alerte et que, par exemple, une entreprise commerciale veut octroyer une carte de crédit, qu’elle consulte votre dossier de crédit, l’alerte va dire : faites des vérifications supplémentaires. […] C’est un service de prévention qui est efficace », a fait valoir le ministre Girard.

Par ailleurs, le ministre met sur pied un régime d’encadrement des agences d’évaluation du crédit sous la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers.

« L’Autorité des marchés financiers va émettre des lignes directrices, pratiques de gestion, pratiques commerciales ; va s’assurer du traitement des plaintes, des suivis, des sanctions, évaluations et des rapports annuels au ministre des Finances. »

Amendes salées

Le ministre a fait valoir que les manquements au cadre seront sévèrement punis : on parle d’amendes pouvant atteindre 10 000 $ par jour si les lignes directrices ne sont pas respectées. Dans le cas pénal, des amendes de 5000 $ à 2 millions sont envisageables et « il pourrait y avoir des peines d’emprisonnement dans les cas de fausses informations », a prévenu Éric Girard.

Ce projet de loi est une première démarche visant les agences de crédit, acteurs qui ne sont pas très en vue du public, mais qui jouent un rôle d’intermédiaire important entre le consommateur et un prêteur. D’autres mesures sont attendues, notamment du côté de la ministre de la Justice, Sonia LeBel, qui a déjà fait part de son intention d’ériger des barrières de protection sur les données personnelles elles-mêmes et des contraintes plus sévères aux entreprises qui les détiennent.

Gratuité réclamée

L’organisme Option consommateurs accueille favorablement les mesures contenues dans le projet de loi, qu’il qualifie de « positives », bien qu’il se garde une certaine réserve.

Me Alexandre Plourde, avocat et analyste pour l’organisme de défense des droits des consommateurs, estime que le gel de sécurité peut bel et bien être un moyen pour prévenir la fraude.

Selon lui, l’ensemble du projet de loi est « un morceau du grand casse-tête de la protection des renseignements personnels, qui fait l’objet d’une réforme importante au Québec ».

Cependant, il déplore que les nouveaux services que devront offrir les agences soient payants.

« Tout ce qui est gel de sécurité, alerte de sécurité, introduction d’une note dans le dossier de crédit, ces dispositions à mon sens, pour qu’elles puissent vraiment bénéficier aux consommateurs, devraient pouvoir être exercées gratuitement par les consommateurs. Pour nous, ce sera un point important lors des représentations sur ce projet de loi », a-t-il dit.