Michel Leblanc, Michel de la Chenelière, Jacques-André Dupont et Jean R. Dupré se sont tous habillés à la même adresse récemment. Celle de Nathon Kong, qui conçoit des complets sur mesure avec des vestons dont les doublures représentent des œuvres d’artistes d’ici. « On sent que la marque est connectée à Montréal et à l’art », raconte Jacques-André Dupont, PDG de L’Équipe Spectra, dans une vidéo promotionnelle lancée aujourd’hui.

Nathon Kong a d’abord habillé une clientèle d’affaires dans un camion soigneusement aménagé. Depuis un an et demi, il reçoit des PDG et hauts dirigeants dans une salle d’essayage et des bureaux aménagés par la firme Aedifica dans l’édifice Belgo, au centre-ville de Montréal. « Et j’ai un stationnement, note l’entrepreneur et designer. Il faut que ce soit facile pour ma clientèle de venir ici. »

Murs peints par des artistes, meubles recyclés et retravaillés, portes secrètes qui débouchent tantôt sur une minuscule galerie d’art, tantôt sur une pièce sombre baignée de musique, logiciel qui permet de prendre les mesures en 3D des clients en quelques secondes… « J’ai quitté mon camion, car les clients veulent un endroit spécial », confie Nathon Kong, qui a injecté 200 000 $ dans l’aménagement de ses locaux. « Ils recherchent un lieu intime. Comme je pose beaucoup de questions et que je leur demande de partager leur histoire, ils peuvent se sentir vulnérables. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Les clients ont le choix entre trois qualités de tissus, dont Cerruti 1881 et Ermenegildo Zegna, dans lesquels faire tailler leur complet.

Le designer souhaite aussi faire voyager ses clients. « Qu’ils oublient où ils se trouvent, dans cet endroit exotique. On s’y sent plus relax. Ici, je les sors de leur zone de confort. » 

Nathon Kong les convie chaque fois une heure dans son salon. Et dans ce lieu où le temps s’arrête un peu, ils peuvent aussi choisir comment sera doublé leur veston parmi une collection de tissus aux imprimés conçus par des artistes québécois, dont ceux qui travaillent avec l’organisme Les Impatients (qui aide les personnes atteintes de problèmes de santé mentale). « Je veux que les gens portent de l’art, dit Nathon Kong. Qu’ils expriment qui ils sont et racontent leur histoire à travers leurs vêtements. » Le complet comme tel, au prix de base de 925 $, 1550 $ ou 2500 $ (selon la qualité de tissu pour laquelle on opte), est prêt un mois plus tard. À chaque vente, Nathon Kong redonne 10 % des profits aux artistes et aux Impatients. 

Je veux que les artistes se sentent appréciés. Je ne fais pas des tonnes d’argent, mais je suis tanné d’entendre : “Donne-moi un complet gratuitement, et je vais faire ta promotion !” Les artistes entendent ça tout le temps aussi.

Nathon Kong

Le mot se passe en ce qui a trait à sa mission. Des Mitch Garber, Hubert Bolduc, Andy Nulman et Stephen Bronfman auraient d’ailleurs aussi pu témoigner dans la vidéo promotionnelle. « J’ai 2 % de Québec inc. comme clients, affirme-t-il. Je suis au début de quelque chose. »

Mais au-delà d’une doublure originale et personnalisée, que doit avoir un complet fait sur mesure pour les gens qui évoluent dans les hautes sphères des entreprises ? « Ce doit être à la fois confortable et une armure pour se protéger ou pour briller, répond Nathon Kong. Les PDG ne s’en vont évidemment pas à la guerre, mais ils se battent chaque seconde. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Chaque veston a une doublure dont le motif est une réalisation d’un artiste de Montréal.

C’est un peu le cas de Nathon Kong, pour qui justement l’entrepreneuriat est une aventure à la fois enrichissante et difficile. Le Thaïlandais d’origine, qui a vécu en Inde avant de déménager à Montréal pour étudier en microbiologie et œuvrer dans le secteur pharmaceutique, travaille continuellement. Il apprend à vivre avec les impératifs financiers et de gestion du personnel d’une entreprise en démarrage, qui a aujourd’hui cinq employés. Tout ça en développant sa clientèle et en cherchant des moyens pour soutenir les artistes de Montréal. « Je ne me verse pas de salaire depuis quatre ans », avoue-t-il.

Le fait d’être propriétaire d’un quintuplex et de louer une partie des 2700 pieds carrés de ses bureaux du Belgo à de petites entreprises lui permet de poursuivre sa mission et sa quête de dirigeants. « J’ai toujours admiré ceux qui se lancent en affaires, raconte-t-il. Ma mère, qui avait quatre enfants, sans mari, possédait une usine de beignes. Elle travaillait sept jours sur sept. Je la voyais peu, mais j’ai été témoin de son leadership, de la façon avec laquelle elle prenait des décisions et de l’aide qu’elle apportait aux gens dans le besoin. L’entrepreneuriat, pour moi, n’est pas tant une histoire de réalisations que de dévouement. »