Le projet de train à grande fréquence (TGF) de VIA Rail a un grand avantage sur son cousin à grande vitesse : les cinq principaux partis politiques fédéraux y sont favorables.

Si tout se déroule comme prévu, le prochain gouvernement fédéral, peu importe sa couleur, pourrait bien annoncer le plus important projet d’infrastructure ferroviaire au pays depuis des décennies : un train à grande fréquence reliant Québec et Toronto, qui passerait par Montréal et Ottawa et coûterait entre 4 et 6 milliards.

« C’est un outil formidable de développement économique durable qui favorisera la mobilité dans les régions. C’est en haut de notre liste de projets à regarder », dit le candidat libéral François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Infrastructure et des Collectivités.

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François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Infrastructure et des Collectivités et candidat libéral dans Saint-Maurice–Champlain

Les conservateurs y sont aussi « favorables ». « Ça fait deux ans qu’on a pris position là-dessus. On voit ça d’un bon œil, mais il faut faire ça de façon sérieuse et rigoureuse. On ne peut pas faire des promesses en l’air sans savoir de quoi il retourne. Ce serait facile de dire oui [maintenant], mais ça ne serait pas sérieux », dit le candidat conservateur Gérard Deltell. Le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti vert du Canada sont aussi favorables au projet.

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Gérard Deltell, candidat conservateur dans Louis-Saint-Laurent

VIA Rail, une société d’État fédérale, a présenté son projet de TGF au gouvernement Trudeau en 2016. Le concept : pour la première fois, les trains de passagers du corridor Québec-Toronto auraient des rails qui leur seraient dédiés. Pour l’instant, VIA Rail utilise des rails appartenant au Canadien National et au Canadien Pacifique 95 % du temps et ces derniers priorisent le transport de leurs marchandises. Avec des rails qui leur seraient réservés, il y aurait davantage de départs et les trains de VIA Rail n’auraient plus à céder le passage aux trains de marchandises. La vitesse moyenne d’un train de VIA Rail passerait alors de 75 km/h à 120 km/h (la vitesse maximale des trains est de 180 km/h).

Montréal-Québec en 2 heures 20 minutes

Le TGF serait plus fréquent et plus rapide et, comme son nom l’indique, il y aurait trois fois plus de départs entre Montréal et Québec (18 départs par jour plutôt que 5) et deux fois plus de départs Montréal-Toronto et Ottawa-Montréal (15 départs par jour plutôt que 6).

Entre Montréal et Québec, il ferait économiser une heure en comparaison avec le trajet actuel (2 heures 20 minutes plutôt que 3 heures 21 minutes). Il serait ainsi plus rapide que le trajet en voiture.

En juin dernier, Ottawa et la Banque de l’infrastructure du Canada ont créé, au coût de 71 millions, un bureau de projet qui fera des travaux techniques, des consultations et des analyses durant deux ans avant de faire ses recommandations. Le bureau de projet doit terminer ses travaux en 2020.

Actuellement, le train Québec-Montréal passe par la rive sud, via Saint-Hyacinthe et Drummondville. Le TGF, lui, passerait plutôt par la rive nord, s’arrêtant à Trois-Rivières et à Laval.

Tous d’accord

La liste des appuis au TGF est longue : les gouvernements du Québec et de l’Ontario, les villes de Montréal, Toronto, Ottawa et Trois-Rivières ainsi que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Le coût du TGF – entre 4 et 6 milliards – augmente aussi son acceptabilité politique. En comparaison, les coûts d’un projet de train à grande vitesse (TGV) sont estimés à environ 20 milliards. Depuis 1981, Ottawa a évalué cinq fois la possibilité de construire un TGV. La dernière, fois en 2011, le gouvernement Harper avait dit non, même si le tronçon Toronto-Québec avait été jugé économiquement viable.

VIA Rail estime que ce nouveau réseau serait 25 % plus rapide que les trains actuels, et que le prix des billets serait « semblable ».

Pour avoir vécu en Europe, [je peux confirmer que] les gens veulent surtout de la fréquence. Tu te rends à la gare et tu sais qu’il y aura un départ.

François-Philippe Champagne, candidat libéral dans Saint-Maurice–Champlain

L’économiste Jean-Pierre Lessard, associé de la firme AVISEO Conseil, n’est pas d’accord. « Le TGF est une opportunité ratée, dit-il. Le gain de temps n’est pas assez grand pour changer les comportements des gens. Tant qu’à mettre autant d’argent, débloquons plus de sous pour avoir le TGV. »

Ils ont dit

Pendant neuf ans [de gouvernement Harper], les conservateurs ont toujours refusé de parler du projet, qu’ils voyaient comme une dépense et non comme un investissement. S’il y a un gouvernement du NPD, le projet de train à grande fréquence sera mis en œuvre dans la première année du mandat.

Robert Aubin, candidat du Nouveau Parti démocratique dans Trois-Rivières

Il faut que ça aille plus vite. Ça fait combien d’années qu’on a des études ? Nous sommes en faveur de ce projet-là, qui aurait dû être fait [depuis longtemps].

Gabriel Ste-Marie, candidat du Bloc québécois dans Joliette

C’est un projet structurant que nous avons appuyé immédiatement. Le seul bémol : si VIA pouvait électrifier le train [qui fonctionne au diesel]. Les trains électriques existent en Europe, le REM [à Montréal] va être électrique, et ce n’est pas l’électricité qui manque au Québec.

Daniel Green, chef adjoint du Parti vert et candidat dans Outremont