Les rabais consentis sur le pétrole brut canadien ont atteint des sommets pluriannuels mercredi, alors que les dirigeants du secteur pétrolier et gazier participaient à une conférence soulignant le déficit de compétitivité du Canada pour attirer les investisseurs énergétiques.

Le prix du baril de Western Canada Select (WCS), un mélange de bitume de sables bitumineux et de pétrole brut d'Edmonton, a baissé par rapport à celui du West Texas Intermediate négocié à New York. Ce recul est attribuable au manque de capacité du réseau de pipelines, à la production croissante des sables bitumineux et à la baisse de la demande causée par les arrêts de maintenance de raffineries américaines, a observé Tim Pickering, fondateur de la firme Auspice Capital, à Calgary.

« Toutes ces choses ont débouché sur un système complètement surchargé », a expliqué M. Pickering.

« Tout ce que les gens peuvent faire sortir, ils le font, mais nous avons eu la tempête parfaite. »

Il a ajouté que l'écart de prix du WCS atteignait 48 $ US le baril mercredi matin, son niveau le plus élevé depuis au moins 2011. Celui du baril de référence de brut d'Edmonton s'élevait pour sa part à 27,50 $ US, un sommet pluriannuel plus de trois fois supérieur à sa taille habituelle.

En marge de la table ronde sur l'énergie à Calgary, le chef de la direction de Precision Drilling, Kevin Neveu, a souligné que les écarts avaient un effet dissuasif immédiat sur la capacité des entreprises à financer leurs budgets de forage au Canada.

« C'est proportionnel aux flux de trésorerie. Donc, si (un client du secteur du forage) s'attend à un gain net de 50 $ CAN ou de 55 $ ou de 60 $, et qu'il n'obtient que 45 $ ou 50 $, il ajustera rapidement ses perspectives, en moins d'un trimestre », a-t-il expliqué.

Selon M. Neveu, l'industrie du forage se dirige cette année vers des revenus semblables à ceux de 2017, qui a été la deuxième pire année pour la rentabilité du forage après une année 2016 catastrophique.

Un peu plus tôt, Doug Suttles, chef de la direction d'Encana, a affirmé que la politique du gouvernement faisait du Canada un endroit non concurrentiel pour le forage de pétrole et de gaz.

« Aujourd'hui, chaque puits que nous forons en Colombie-Britannique génère une taxe sur le carbone de plus de 100 000 $, rien que sur le diesel utilisé pour forer et achever ce puits », a-t-il expliqué lors d'un discours prononcé à la conférence.

« Ces produits sont en grande partie destinés aux marchés américains. Aux États-Unis, nous ne payons pas un dollar de taxe sur le carbone. »

Encana, de Calgary, concentre ses activités sur quatre régions clés de production de base. Celles-ci sont les formations de Montney et de Duvernay, respectivement dans le nord-est de la Colombie-Britannique et en Alberta, ainsi que la zone schisteuse d'Eagle Ford et la formation du Permien, au Texas.

M. Suttles, qui participait à une table ronde sur l'énergie à Calgary, a expliqué que les puits d'Encana produisaient du gaz naturel à combustion propre, qui est ensuite traité dans l'une des trois centrales à gaz récemment construites utilisant de l'hydroélectricité, qui ne produit pas d'émissions de gaz à effet de serre.

À terme, au fur et à mesure que les installations sont construites, le gaz naturel sera acheminé vers un terminal d'exportation de gaz naturel liquéfié alimenté à l'énergie hydroélectrique situé sur la côte Ouest, puis en Asie, où il pourra remplacer le charbon pour la production d'électricité.

Cependant, M. Suttles regrette que son travail pour la réduction des émissions mondiales ne soit pas reconnu, et déplore le fait que, compte tenu des réductions d'impôt sur les sociétés pilotées par le président Donald Trump, son entreprise paie un impôt sur le revenu plus élevé au Canada qu'aux États-Unis.

« En tant que Canadien, il est facile de tomber dans le piège », a observé Ian Dundas, chef de la direction d'Enerplus, une société de Calgary dont la production est basée à 90 % dans le Dakota du Nord et très peu au Canada.

« Nous avons laissé les Américains nous surpasser et nous régulariser et nous nous retrouvons dans cette position. »

Selon lui, la solution consiste à cesser d'aggraver la situation - évoquant du même souffle le projet de loi C-69 d'Ottawa visant à réformer l'Office national de l'énergie et les normes proposées concernant les carburants propres - pour plutôt trouver des moyens d'aider les entreprises canadiennes à concurrencer leurs rivales américaines.

Il a ajouté qu'il espérait que les élections fédérales de l'année prochaine encourageraient le public à discuter des modifications à apporter aux politiques énergétiques nationales.