Le chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau s'est expliqué lundi au micro de Paul Arcand au 98,5 FM sur les révélations de La Presse quant à la création de 10 entités dans des régimes fiscaux avantageux en Suisse et au Luxembourg chez Quebecor World, ainsi que sur le dossier plus général des paradis fiscaux chez Québecor à la suite d'un reportage de Radio-Canada. Extraits et vérification des faits.

«J'étais un simple administrateur [...] je n'assumais pas de poste de direction», a déclaré Pierre Karl Péladeau à propos des entités de Quebecor World créées entre août 1998 et 2004 en Suisse, au Luxembourg et en Islande.

Vérification faite

En 1997, M. Péladeau était l'un des principaux dirigeants de l'entreprise, alors qu'il était PDG d'Imprimeries Quebecor Europe. En avril 1998, il a été nommé vice-président exécutif et chef de l'exploitation de Quebecor World. 

Dans le rapport annuel, son nom arrive au troisième rang des dirigeants, derrière le président du conseil d'administration Jean Neveu et le PDG Charles G. Cavell. Il conservera ses fonctions d'avril 1998 jusqu'en 1999. Durant cette période, Quebecor World a créé quatre des dix entités dans des pays où l'entreprise n'avait pas d'imprimerie, soit deux succursales suisses liées à deux sociétés du Luxembourg. 

Trois autres entités ont aussi été créées lorsqu'il était vice-président du conseil d'administration de 1999 à 2001 (succursale suisse liée à l'Islande, société au Luxembourg, société en Islande). Il a été membre du C.A. lors de la création des 10 entités entre 1998 et 2004. Lorsqu'il a été président et chef de la direction de Quebecor World entre mars 2004 et mai 2006, aucune entité n'a toutefois été créée en Suisse, au Luxembourg ou en Islande.

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Autre déclaration de M. Péladeau: 

«Faut se replacer dans le contexte. Nous sommes en 2016. Honnêtement, en 2004, dans les années 2000, toutes les problématiques que nous vivons aujourd'hui, tout l'évitement fiscal tel que vous le mentionnez avec Apple, quand on parle des centaines de millions de cash dans des paradis fiscaux, cette dynamique-là n'existait pas à l'époque. On n'est même pas certain qu'il y avait une problématique morale ou éthique qui était soulevée. [...] Ces initiatives [des pays du G20 et de l'OCDE] sont relativement récentes. Il y a 10 ans, elles n'existaient pas. Est-ce que le Québec, s'il était indépendant, serait associé à ce genre d'initiatives? Oui, tout à fait.»

Vérification faite

Les pays du G20 et l'Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) ont commencé en 2013 à travailler formellement sur le projet de réforme fiscale mondiale (le projet BEPS, un acronyme pour «Base Erosion and Profit Shifting», ou érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices). Le projet BEPS a été signé par une soixantaine de pays, dont le Canada, en septembre dernier. Mais le rôle des paradis fiscaux était aussi un phénomène bien documenté dès la fin des années 90. En 1999, un rapport d'un comité de l'Union européenne concluait que l'utilisation d'une succursale financière suisse d'une société du Luxembourg était une mesure fiscale nocive. En 2000, l'OCDE publiait sa première liste de paradis fiscaux.

D'autres déclarations de M. Péladeau lundi

Sur le compte de banque de Philippe Couillard à l'île de Jersey durant les années 90: 

«Est-ce qu'il avait besoin de le faire? Il faut faire attention, il ne faut pas confondre une situation personnelle à une situation corporative. [...] Ce sont des choix qu'il a faits. Peut-être qu'il aurait très bien pu faire verser son salaire dans un compte de banque au Québec.»

Sur sa crédibilité comme politicien pour lutter contre les paradis fiscaux: 

«Je connais ce dont il s'agit. Ayant été dans le milieu des affaires, je comprends que ça fonctionne de telle et telle façon, et c'est la raison pour laquelle je ne souhaitais que ce genre de système soit mis en place pour les entreprises dont j'avais la direction. [...] Je persiste à penser que nous devons mettre en place les mesures nécessaires pour combattre l'évitement. Je considère que nous devons être assis dans le concert des nations pour mettre en place. On constate qu'au Canada, il n'y a pas beaucoup d'enthousiasme, le lobby de Bay Street est très important à Ottawa. Les banques canadiennes font le commerce de cet évitement fiscal.»

A-t-il des preuves écrites qu'il a donné des instructions pour ne pas utiliser les paradis fiscaux chez Québecor?

«Écoutez, j'ai été PDG pendant 15 ans, j'ai donné des instructions. Je n'ai pas amené ça avec moi ce matin. Pourquoi, est-ce que vous voulez instaurer un tribunal ce matin, M. Arcand? Je vous dis que je n'en ai pas créé. C'est ma parole contre celle de Radio-Canada éventuellement. Qu'ils fassent la preuve, le cas échéant. Pour l'instant, ce sont de graves accusations qui sont faites à mon endroit, qui n'ont pas lieu d'être.»