À l'été 2013, c'était une cinquantaine d'employés qui bossaient sur les effets visuels du film X-Men: Days of Future Past. À l'annonce officielle de la création du studio en compagnie de la première ministre Pauline Marois en septembre 2013, le plan était d'avoir 250 employés. L'été dernier, il a fallu revoir les prévisions à la hausse: 520 employés d'ici le début de 2015.

Mais une fois de plus, Technicolor s'est trompé. Au début de 2015, le studio montréalais d'effets visuels de la multinationale française comptait non pas 520 employés, mais bien 700. «Et nous avons procédé à de nouvelles embauches depuis le début de l'année», dit le directeur général du Groupe Technicolor, Frédéric Rose, en entrevue à La Presse.

Résultat: en moins de deux ans, MPC Montréal (MPC pour Moving Picture Company, filiale de Technicolor) est devenu le studio d'effets visuels le plus important du Groupe Technicolor pour le cinéma. «Nous l'avons dépassé [le cap des 500 employés à Montréal] grâce à un carnet de commandes particulièrement impressionnant, dit Frédéric Rose. Il y a énormément de travail.» Le premier mandat du studio, X-Men: Days of Future Past, était en nomination aux Oscars pour les effets visuels dimanche dernier. «C'est un message très très fort, dit Frédéric Rose. Montréal se classe au même niveau que les autres grandes villes, comme Londres et Vancouver.»

Avec 2000 employés, le Canada est maintenant le deuxième pays en importance au sein de Technicolor, après les États-Unis (un peu moins de 4000 employés) et loin devant la France (environ 1000 employés), le pays où la multinationale a son siège social et est inscrite en Bourse.

Instabilité des crédits d'impôt

Ironiquement, Technicolor a plus que doublé ses effectifs (de 300 à 700 employés) en effets visuels à Montréal depuis que le gouvernement Couillard a annoncé la baisse du crédit d'impôt de 45 à 36% en juin dernier. La baisse du crédit d'impôt ne s'appliquait toutefois pas aux contrats déjà en vigueur qui ont poussé Technicolor à embaucher autant à Montréal.

La commission Godbout sur la réforme de la fiscalité, qui a abordé la question du crédit d'impôt pour les studios d'effets visuels l'automne dernier, a remis son rapport au gouvernement au début de février. Le gouvernement Couillard doit annoncer ses intentions au sujet du crédit d'impôt probablement au prochain budget.

«Ça fait des mois qu'on vit dans l'incertitude, dit Frédéric Rose. Au final, ce n'est pas moi qui décide d'envoyer un film au Québec. Cette décision est prise par nos clients, les grands studios hollywoodiens, qui font une analyse financière. [...] Ce que je demande: s'il vous plaît, dépêchez-vous d'annoncer clairement votre feuille de route et vos intentions pour qu'on puisse rassurer nos clients, les studios, sur la stabilité de l'environnement dans les années à venir.»

Une nouvelle baisse du crédit d'impôt - il est actuellement de 36% au Québec, de 45% en Ontario et de 39% en Colombie-Britannique - pourrait-elle freiner le développement d'une industrie en plein essor? «Ce n'est pas 1 [point de pourcentage] qui fait une grande différence, dit M. Rose. Le problème, c'est l'instabilité. Il y a une incertitude qui dure assez longtemps comme ça, c'est quand même regrettable. [...] Nous sentons bien que nos clients regardent de près [la nouvelle concurrence entre le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique]. [...] Le Québec s'est construit une réputation de qualité. Ce serait triste de casser une très belle construction qui n'a pas coûté [cher] aux contribuables québécois et qui a créé de la vraie valeur locale.»

Effets visuels, box-office et télé 4K

Sur l'ensemble de ses activités mondiales, Technicolor ne s'inquiète pas du déclin relatif du box-office nord-américain, en baisse de 4% en 2014. «Le marché [des effets visuels] continue à croître de façon remarquable, dit M. Rose. Au niveau des effets visuels, nous avons presque doublé notre chiffre d'affaires au quatrième trimestre, en grande partie grâce à Montréal qui n'était pas présent auparavant.»

Si Technicolor/MPC est l'un des chefs de file mondiaux en effets visuels, la multinationale française a beaucoup d'autres champs d'activité. Sa division de divertissement (qui comprend les effets visuels, mais aussi la postproduction, la distribution et les services de DVD) a généré 47% des revenus de l'entreprise en 2013. Sa division de technologie (recherche, solutions technologiques et droits de licence) représente 14% des revenus, et la division de la «passerelle d'accès» (des solutions technos pour regarder la télé) 39% des revenus. Pour cette dernière division, Technicolor mise notamment sur la popularité des nouvelles télés 4K. «La télé HD paraît très bien jusqu'au jour où vous regardez un écran 4K», dit Frédéric Rose, comparant la situation à l'arrivée des télés HD il y a 10 ans.

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TECHNICOLOR EN BREF

> Revenus de 3,332 milliards d'euros en 2014 (-3,4% sur 1 an)

> Profits de 550 millions d'euros en 2014 (+2,6% sur 1 an)

> Entreprise inscrite à la Bourse de Paris

> Capitalisation boursière: 1,869 milliard d'euros

> 14 000 employés en décembre 2013

> 700 employés à Montréal actuellement

Sources: Technicolor, Les Échos

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Forces

1) Capacité à innover et à se réinventer

2) Créativité artistique et technologique

Faiblesses

1) Davantage d'effets visuels ailleurs qu'au cinéma et à la télé

2) Développer une norme technologique en luminosité pour l'écran