Imprévus, surprises, crises, rebondissements: faire un film est une histoire en soi. Durant un an et demi, La Presse a suivi la production du film Les maîtres du suspense, mettant en vedette Michel Côté, Antoine Bertrand et Robin Aubert, qui sera au grand écran à partir de mercredi. Récit des péripéties derrière la caméra.

1- ACTEUR VEDETTE RECHERCHÉ

Los Angeles, février 2013. C'est la semaine des Oscars, la consécration d'une vie pour un producteur de cinéma. Sur place pour Rebelle, le film de Kim Nguyen qu'ils ont produit et qui est en nomination pour l'Oscar du meilleur film étranger, Pierre Even et Marie-Claude Poulin ont donc toutes les raisons d'être fébriles. Sauf qu'une mauvaise nouvelle occupera une bonne partie de leur semaine de festivités.

L'acteur pressenti pour le premier rôle de leur prochain film, Marc Labrèche, doit se désister. Une question de conflit d'horaires avec aiguilles et l'opium, la pièce de Robert Lepage dans laquelle il vient d'obtenir le rôle principal.

« C'est comme si le plafond venait de s'écrouler. »

- Pierre Even, producteur

Les producteurs d'Item 7 viennent de mettre trois ans pour convaincre la SODEC et Téléfilm Canada de financer Les maîtres du suspense. Le film dispose d'un budget de 6,1 millions, l'un des plus importants au Québec cette année-là. Faire un film de cette ampleur est toujours une aventure remplie de surprises, mais remplacer son acteur principal à six mois du tournage en est une de taille. « C'est un choc. On capote », indique le réalisateur Stéphane Lapointe.

Le « choc » doit toutefois se vivre dans le silence le plus complet. Quelques semaines plus tôt, Item 7 a annoncé aux médias que Marc Labrèche tiendra le rôle de Hubert Wolfe, cet auteur à succès en panne d'inspiration qui fait écrire ses romans par un écrivain fantôme. Mais voilà, le président de la SODEC à l'époque, François Macerola, a bien averti publiquement les producteurs qui changent la nature de leur projet que leur financement pourrait être révisé en conséquence. Soit, les changements d'acteurs principaux sont rarissimes au Québec. Mais le remplacement d'Anthony Kavanagh par Rachid Badouri dans L'appât n'a pas plu à la SODEC, qui ne veut pas que ces changements de dernière minute deviennent une habitude.

« On devait trouver une solution rapidement, avant que la nouvelle s'ébruite. »

- Pierre Even, producteur

Dans la courte liste d'acteurs québécois pouvant interpréter Hubert Wolfe, le nom de Michel Côté fait vite consensus. Heureuse coïncidence : pour la deuxième année de suite, l'acteur le plus prolifique du cinéma québécois au box-office ne tournera pas au grand écran, faute de scénarios satisfaisants. « Je suis devenu plus sélectif », affirme Michel Côté. Pierre Even, qui a travaillé avec lui sur C.R.A.Z.Y., lui présente alors le scénario. Pour la première fois de sa carrière, Michel Côté remplacera un autre acteur.

Stéphane Lapointe ajuste alors son scénario - après tout, Hubert Wolfe vient de passer de 54 à 64 ans. Tout est bien qui finit bien, autant pour le réalisateur que pour les producteurs et le distributeur Séville. «J'adore Marc, mais Michel, c'est M. Box-Office. On a remplacé un plan A par un plan A», résume Patrick Roy, président des Films Séville.

Cet épisode met en relief les risques d'une pratique quasi obligée dans le milieu du cinéma québécois : pour obtenir du financement, on attache quelques gros noms du grand écran, sauf que ceux-ci vivent rarement uniquement du cinéma. « Je ne sais pas si la tactique fonctionne vraiment, j'en doute, dit Marc Labrèche. C'était annoncé comme si [ma participation] était coulée dans le béton, mais il n'y avait rien de signé. Ce n'est pas évident [de devoir se désister d'un rôle], tu te sens mal, j'ai apprécié recevoir cette proposition, mais il n'y a personne d'irremplaçable. »

Même après le changement d'acteur, l'équipe des Maîtres du suspense n'aura pas fini d'entendre parler d'horaires de théâtre. Le tournage de la deuxième partie du film en Louisiane doit concorder avec les dates de... Broue, la pièce jouée par Michel Côté depuis 1979. Au début du mois de décembre, Michel Côté jouera un soir à Saint-Georges en Beauce, rentrera chez lui au petit matin et prendra l'avion le matin même à destination de La Nouvelle-Orléans pour son premier tournage en carrière à l'extérieur du Québec. 

2 - LA PÉRIODE OÙ IL FAUT DIRE NON

«Ça va être plus à la Chick'n Swell qu'à la X-Men!», lance le réalisateur Stéphane Lapointe.

Août 2013. L'ambiance est décontractée autour de la table de réunion des studios Mel's. À moins d'un mois du tournage, l'équipe de production desMaîtres du suspense ne manque pourtant pas de détails à régler. Comme les effets visuels d'une scène d'explosion de voiture, qui deviendra finalement une scène où la voiture s'enflamme. « L'explosion n'apportait rien de plus », dit le réalisateur Stéphane Lapointe. Aucun doute, nous sommes en préproduction - autrement dit, la période où il faut dire non.

Ce rôle ingrat revient aux producteurs Pierre Even et Marie-Claude Poulin, qui tiennent les rênes du budget.

«En préparation, tout le monde veut plus d'argent. Notre rôle, c'est de prendre les décisions difficiles avant le tournage afin de respecter le budget, sinon on s'arrache les cheveux durant le tournage.»

- Pierre Even, producteur

Le réalisateur Stéphane Lapointe ne dépassera son temps qu'une seule fois durant le tournage - 30 minutes qu'il «remboursera» en triple (1 h 30 min) un autre jour en raison des conventions collectives.

Comme la plupart des réalisateurs au Québec, Stéphane Lapointe (Tout sur moi, La théorie du K.-O.) tourne surtout à la télé, où on parvient généralement à tourner de 10 à 12 pages de scénario par jour, contre 4 ou 5 pages au cinéma. L'acteur Antoine Bertrand (Louis Cyr et Starbuck au cinéma, C.A. et Les Bougon à la télé) remarque toutefois que l'écart tend à diminuer entre le petit et le grand écran au Québec. « Ça va beaucoup plus vite qu'avant au cinéma, dit-il. Avant, tu pouvais encore prendre le temps de répéter, mais l'argent est de moins en moins là. Je ne nous le souhaite pas, mais je nous donne encore 10 ans pour être rendus au rythme de la télé. »

Les différences entre le cinéma et la télé sont toutefois notables à plusieurs égards. «En télé, on prend les choses comme elles sont, dit le réalisateur Stéphane Lapointe. Au cinéma, on travaille davantage les détails, on essaie de tout contrôler.» Des détails comme trouver un logiciel qui écrira du texte automatique durant une scène où Michel Côté tape à l'ordinateur. Ou imprimer des centaines de couvertures de livres de Hubert Wolfe, qui seront ensuite utilisées par l'équipe en calepins de notes.

Le directeur artistique David Pelletier doit toutefois composer avec des budgets qui n'ont pas augmenté depuis une demi-douzaine d'années. «C'est de pire en pire, dit David Pelletier. On est obligé de faire des pirouettes, des compromis. Les choses coûtent plus cher et les scénaristes écrivent toujours sans se soucier des coûts.»

3 - PÉRIPÉTIES AMÉRICAINES

Crise politique, météo, règlements qu'on apprend à la dernière minute: ce n'est pas toujours simple de tourner aux États-Unis, comme l'a fait l'équipe des Maîtres du suspense.

Octobre 2013. C'est l'impasse entre le Congrès et l'administration Obama. Faute d'avoir les fonds nécessaires pour payer ses fonctionnaires, le gouvernement américain est paralysé. À Montréal, l'équipe de production des Maîtres du suspense suit avec intérêt ce bras de fer politique - pas tant par passion pour la politique américaine que parce qu'elle attend toujours ses visas de travail pour le tournage en Louisiane. Or, les fonctionnaires américains sont en arrêt de travail. « Tout le financement aurait pu être compromis à cause de ça », précise la productrice Marie-Claude Poulin. Une fois un terrain d'entente trouvé entre Barack Obama et les républicains, le gouvernement reprend ses activités. Les fameux permis de travail arrivent finalement aux bureaux d'Item 7, dans le Mile End, juste à temps - la veille du départ du réalisateur Stéphane Lapointe pour les États-Unis.... 

Une fois l'équipe arrivée en Louisiane, c'est la météo qui cause le plus d'ennuis à l'équipe du film. Lors des trois dernières nuits de tournage, consacrées aux scènes de vaudou, qui dureront environ cinq minutes dans le film, il fait -2 °C. « On avait des danseurs en bedaine pendant trois nuits, alors que j'avais trois Kanuk sur le dos», raconte le réalisateur Stéphane Lapointe. «C'était si froid qu'on voit la fumée qui sort de leur bouche quand ils parlent. On a décidé de le laisser au montage », dit le producteur Pierre Even.

«Les plateaux ne sont pas gérés de la même façon, dit la productrice Marie-Claude Poulin. Aux États-Unis, ce sont des membres du Teamsters qui doivent garder et chauffer les véhicules. Au Québec, on prend un technicien qui peut travailler le reste de la journée.»

«J'ai compris pourquoi les avocats sont rois aux États-Unis», souligne le producteur Pierre Even, lui-même membre du Barreau du Québec. Pour un budget d'acteurs de 36000$, le syndicat américain voulait au départ... 100 000$ en garantie pour les redevances futures aux acteurs sur les revenus du box-office. « Ils ont vu que nous avions un budget de 6 millions, mais il a fallu leur expliquer que nous étions un film en français et que les revenus au box-office seraient plus modestes qu'un film américain avec le même budget », indique la productrice Marie-Claude Poulin, qui a finalement obtenu une dérogation spéciale.

4 - LE TEST DU COLOSSUS

Stéphane Lapointe arrive incognito dans la salle de cinéma, armé de son popcorn. En cette soirée d'avril, le réalisateur soumet son film au plus important test de sa courte vie: celui du Colossus.

Au cours des 2 prochaines heures, 120 cinéphiles choisis au hasard regarderont en primeur - et surtout en secret - une version préliminaire de son film Les maîtres du suspense. Ils feront ensuite part de leurs commentaires. « C'est le genre de soirée où les producteurs calculent le nombre de rires par minute, dit Stéphane Lapointe. Ça ne me fait pas tripper.»

Après avoir rempli un court questionnaire, les participants - choisis à la sortie d'une salle de cinéma quelques semaines auparavant - discutent du film à voix haute avec les producteurs. Le passage du Québec à la Louisiane suscite plusieurs commentaires. « Quand ils cherchent en Louisiane [pour le personnage d'Antoine Bertrand], c'est trop long », dit un membre de ce public sélect. « Ce n'est pas suffisamment clair pourquoi Alyssa [le personnage d'Anna Hopkins] retourne à La Nouvelle-Orléans », renchérit un autre. « La fin est prévisible, mais ce n'est pas grave, on est content », conclut un participant pour clore ce débat d'une trentaine de minutes.

Assis dans un coin de la salle avec son sac de popcorn vide, Stéphane Lapointe écoute les commentaires avec attention, mais aussi avec une pointe d'agacement qu'il dissimule plutôt bien. « Ça peut être captivant sans rire. Le temps est nécessaire pour faire rire. Les 20 premières minutes, on installe le récit », dit Stéphane Lapointe à ses producteurs, qui tentent de le rassurer. « C'est sûr qu'on ne veut pas que ce soit Les Boys », lui répond Pierre Even.

Au final, les producteurs sont encouragés par le test du Colossus : 90 % des répondants recommandent de voir le film (53 % très certainement, 37 % peut-être), tandis que 63 % d'entre eux ont trouvé le film excellent ou très bon. À titre de comparaison, Pierre Even se rappelle que C.R.A.Z.Y. avait obtenu une note exceptionnelle de 87 % dans cette dernière catégorie. Les trois visionnements estivaux auront notamment permis de resserrer le début du film. « Les gens riaient moins dans la première partie du film », dit Pierre Even.

5 - CONTRE LE HOBBIT

Michel Côté, Antoine Bertrand et Robin Aubert contre Bilbo Saquet, le magicien Gandalf et Galadriel ? Aussi inégal soit-il à première vue, ce duel pourrait aider Les maîtres du suspense au box-office.

Le distributeur Séville et les producteurs d'Item 7 ont choisi de sortir Les maîtres du suspense en salle le mercredi 17 décembre, directement contre Le Hobbit : la bataille des cinq armées. Cette décision est lourde de conséquences. En considérant l'importance des revenus du box-office et la vie de plus en plus courte des films en salle, la date de sortie est l'une des décisions les plus importantes de toute la production d'un film.

Pourquoi alors affronter Le Hobbit ? Traditionnellement, les films québécois prévus pour les temps des Fêtes sortaient au début du mois de décembre. Mais le distributeur Patrick Roy a changé de stratégie l'an dernier avec Les Pee-Wee 3D. « Même si le film marche au début décembre, tu perds des écrans après deux ou trois semaines pour les nouveaux films qui sortent à Noël, dit le président des Films Séville. Avec la durée de vie des films, on aime mieux les sortir la semaine avant Noël. Ça implique une plus longue campagne de marketing, mais on sait que le film va rester à l'affiche sur beaucoup d'écrans durant trois semaines. Et entre Noël et le jour de l'An, c'est le seul temps de l'année où les jours de semaine sont aussi achalandés que le week-end. »

« Je trouve ça baveux et gutsy de sortir contre Le Hobbit. Antoine Bertrand et Michel Côté peuvent s'occuper du Hobbit ! »

- Stéphane Lapointe, réalisateur

Ses producteurs sont d'un enthousiasme plus prudent. Et pour cause : Le Hobbit sortira sur plus de 200 écrans au Québec, contre 80 écrans pour Les maîtres du suspense.

Pour les producteurs des Maîtres du suspense, obtenir le même revenu par écran que Le Hobbit serait une énorme victoire. Selon la firme Cinéac, le dernier film du Hobbit a généré des revenus au box-office de 7,1 millions de dollars au Québec, dont 1,35 million lors du premier week-end. Pour égalerLe Hobbit au prorata des écrans, Les maîtres du suspense devrait générer 2,8 millions, dont 540 000 $ lors du premier week-end. Cette année, seulement deux films québécois ont fait autant d'argent au box-office : la comédie 1987 de Ricardo Trogi (2,4 millions) et le drame Mommy de Xavier Dolan (3,05 millions).

Sans revenus à l'extérieur du Québec, un film québécois avec un budget d'envergure (5 ou 6 millions) doit faire environ 3,2 millions au box-office pour que le distributeur ait remboursé toutes ses dépenses, qu'il ait encaissé ses commissions et que les producteurs et les institutions publiques (la SODEC, Téléfilm Canada) commencent à toucher des revenus du film.

« Pour un film québécois, atteindre 1 million au box-office est très bon, et atteindre 2 millions est excellent. »

-Pierre Even, producteur

Le producteur Pierre Even se garde bien de dévoiler publiquement son objectif de box-office. Les producteurs n'en parlent même pas entre eux. « On ne veut pas se jinxer », précise Pierre Even. Autre raison de rester discret : la confidentialité du pool de bureau chez Item 7 visant à prédire le résultat du film au box-office...

Au départ, un duel contre Le Hobbit n'enchantait pas le réalisateur Stéphane Lapointe ni les producteurs d'Item 7, qui auraient préféré une sortie en août 2014. Après des mois de discussions, le distributeur Patrick Roy - qui avait déjà un film québécois, Le vrai du faux, prévu pour une sortie au début du mois d'août - a rallié tout le monde à son scénario.

Seul l'acteur Michel Côté émet un léger bémol. «  [Le 17 décembre], c'est tard, les gens sont dans le magasinage. Mais c'est vrai que les gens sont capables d'aller voir deux films dans le temps des Fêtes », affirme l'acteur, parfois nostalgique d'une autre époque où les salles de cinéma faisaient preuve de davantage de patience avec un film. «  [À la fin des années 80],Cruising Bar a fait 3,6 millions au box-office - et ça coûtait 4 $ à l'époque - dans une seule salle de cinéma à Montréal grâce au bouche-à-oreille. Maintenant, bien des films n'ont pas de chance de trouver leur public. »

Promotion et campagne électorale

Le seul avantage des Maîtres du suspense sur Le Hobbit ? Les deux acteurs québécois les plus populaires au box-office actuellement ont passé les deux semaines avant la sortie à faire la promotion du film.

Aucun autre acteur québécois n'a généré autant d'argent au box-office comme acteur principal que Michel Côté. Si bien que le distributeur Patrick Roy le surnomme « M. Box-Office ». Sur les neuf derniers films de Michel Côté, seulement deux ont fait moins de 2 millions de dollars, mais le principal intéressé reste sceptique quant à son influence réelle sur le box-office. « Une vedette peut y avoir une certaine influence si le film est bon, mais pas s'il n'est pas bon », assure Michel Côté, qui a généré 37 millions de dollars avec ses 10 derniers films comme acteur principal, selon la firme Cinéac. Seul Patrick Huard le talonne avec 25 millions en 9 films, et 42 millions en 14 films en comptant les rôles secondaires.

Si Michel Côté a dominé le box-office québécois durant les années 2000, Antoine Bertrand semble bien parti pour lui soutirer le titre de « M. Box-Office » pour la prochaine décennie. Son dernier film, Louis Cyr, a été le seul film québécois à atteindre 4 millions de dollars au box-office depuis De père en flic - mettant justement en vedette Michel Côté - en 2009. « J'ai vu Antoine faire la tournée de promotion et il est pareil comme Michel : généreux, apprécié et proche des gens », dit Patrick Roy, président des Films Séville. « La clé reste l'histoire, dit Antoine Bertrand. Prends une bonne histoire avec de purs inconnus comme acteurs, et ça va marcher. Si le film est plate, même si tu signes tous les posters et que tu prends toutes les photos possibles, le bouche-à-oreille ne se fera pas. »

Avec leur collègue Robin Aubert, Michel Côté et Antoine Bertrand font une tournée de promotion en décembre. Sept villes, sept tapis rouges. « Comme une campagne électorale, mais basée sur du vrai », dit Antoine Bertrand en riant. 

En plus de la « campagne électorale » des acteurs, le distributeur Séville injectera environ 750 000 $ dans la campagne de promotion, dont 400 000 $ en achat média. Séville a acheté des publicités de 30 secondes en octobre durant l'émission de Saturday Night Live Québec animée par Antoine Bertrand, ainsi que durant la dernière émission de toutes les séries télé les plus populaires cet automne. Une semaine avant la sortie du film, la bande-annonce à la télé sera réduite à 15 secondes. Séville a aussi acheté un forfait pour atteindre des clients potentiels sur les réseaux sociaux. « Si tu n'as pas la réaction attendue, ils réajustent pour qu'on puisse avoir le nombre de réactions [pour lesquelles le client a payé] », dit Patrick Roy.

Bref, rien n'a été laissé au hasard. Que la caméra tourne ou pas.

COMBIEN GAGNENT-ILS ?

Pour un acteur de premier plan, un premier rôle au cinéma dans un film d'envergure signifie souvent un cachet dans les six chiffres (plus de 100 000$). Un réalisateur qui a écrit son scénario (comme Stéphane Lapointe dans Les maîtres du suspense) aura toutefois, sur l'ensemble du projet, un cachet supérieur, évalué à plusieurs centaines de milliers de dollars sur plusieurs années (il travaille au projet de trois à cinq ans). Au final, les producteurs auront aussi souvent un cachet net supérieur à celui des acteurs. Ces comparaisons sont imparfaites : les acteurs feront de la recherche sur leur personnage, apprendront leur texte et feront jusqu'à une trentaine de jours de tournage, tandis que le réalisateur et scénariste et les producteurs travailleront sur le projet de trois à cinq ans. La plupart des autres acteurs sont au salaire minimum: environ 1200$ par jour de tournage.

TITRE 101

Pendant longtemps - même durant le tournage, en fait - , le film de Stéphane Lapointe s'intitulait Ghost (s). Mais ce titre portait à confusion avec Ghost, un film de 1990 mettant en vedette Patrick Swayze et Demi Moore. Dans son ordinateur, Stéphane Lapointe avait un fichier où il jonglait avec 150 idées de titre, dont Faute de frappeLes écrivains en folieTache d'encreFrères d'encre. « Certaines idées faisaient trop théâtre d'été », dit-il. Les imposteurs et Copyright ont été sérieusement considérés, avant que Les maîtres du suspense ne s'avère le choix définitif du réalisateur et des producteurs. « Le titre faisait un peu peur au distributeur à cause d'un malentendu entre le suspense et la comédie, mais une bande-annonce a vite permis de dissiper ça », dit Stéphane Lapointe.