Pour convaincre la commission Godbout sur la fiscalité et le gouvernement Couillard d'annuler la réduction du crédit d'impôt qui lui est destinée, l'industrie du jeu vidéo fera valoir lundi que sa rentabilité fiscale pour Québec a été de 7% en 2013. Il s'agit d'une baisse depuis la dernière étude de Québec qui concluait à une rentabilité de 11% en 2011, mais, surtout, le calcul omet le coût de certaines subventions directes qui réduirait la rentabilité à 3%, en incluant les emplois indirects.

Selon les chiffres présentés par l'Alliance numérique à la commission Godbout, le crédit d'impôt pour le multimédia a coûté 135 millions de dollars au gouvernement du Québec en 2013. Les 8750 emplois directs des studios de jeu vidéo ont généré des revenus fiscaux de 134,6 millions à Québec.

Baisse de la rentabilité

Selon l'étude de Secor/KPMG pour le compte de l'Alliance numérique, les 1323 emplois indirects soutenus par les dépenses des studios (ex.: comptables, avocats, équipement informatique) ont généré des revenus fiscaux de 9,9 millions, ce qui porte les revenus fiscaux totaux générés à 144,5 millions et la rentabilité du crédit d'impôt à 7,0%. Il s'agit d'une baisse depuis la dernière étude de Québec sur la question, qui concluait à une rentabilité de 11% (sans tenir compte des subventions directes).

Or, en plus du crédit d'impôt, certains studios comme Ubisoft, Warner Bros. et Square Enix reçoivent des subventions directes dans le cadre d'ententes distinctes avec le gouvernement. Selon les calculs de La Presse à partir des annonces publiques gouvernementales, Québec a payé environ 5,5 millions en subventions directes en 2013. Résultat: la rentabilité de l'aide gouvernementale est de 2,8% en incluant les emplois indirects. En incluant seulement les 8750 emplois directs dans les studios, la rentabilité est négative à - 4,2%.

Ramener le crédit d'impôt à 37,5%

L'Alliance numérique, qui sera le premier organisme à intervenir devant la commission Gobout lundi matin, n'a pas inclus les subventions directes dans les calculs qu'elle présentera. «La commission porte sur les crédits d'impôt, il ne faut pas mélanger les différents programmes. Les subventions sont aussi liées aux investissements en infrastructures des studios», dit Martin Carrier.

L'industrie du jeu vidéo souhaite que le gouvernement Couillard annule la réduction de 20% de son crédit d'impôt de juin dernier et le ramène de 30% à 37,5%, son niveau depuis 2003. Avec un crédit d'impôt à 30%, l'avenir de l'industrie québécoise du jeu vidéo n'est pas en péril, mais sa croissance si, croit l'Alliance numérique. Le Québec est de loin le leader du jeu vidéo au pays (53% des emplois directs) et jouit d'une réputation enviable à l'international. L'Ontario offre toutefois un crédit d'impôt de 40%.

«On ne va pas claquer la porte demain matin, on est contents d'être ici, mais la croissance que l'industrie a connue est appelée à diminuer si le taux du crédit d'impôt demeure [à 30% ]. À long terme, il pourrait même y avoir des pertes d'emploi à la faveur d'autres juridictions plus généreuses», dit Martin Carrier, président de l'Alliance numérique, qui regroupe la plupart des studios de jeux vidéo au Québec.

Depuis juin dernier, la réduction du crédit d'impôt n'a pas eu beaucoup d'effets au sein de l'industrie. Martin Carrier croit toutefois que si la décision est maintenue, les effets apparaîtront à long terme: les multinationales enverront moins de projets à leurs studios montréalais, et les effectifs seront réduits en conséquence.

«On a eu une baisse le 4 juin et c'est vrai qu'on n'avait pas perdu de contrats le 5 juin, mais ça ne fonctionne pas comme ça dans notre industrie, explique Martin Carrier. À long terme, ce serait plus difficile d'avoir des mandats. Le risque, c'est que ce soit comme les iPhone: qu'on fasse le design des jeux au Québec et que la production soit faite ailleurs.»

Outre de ramener le crédit d'impôt à 37,5%, l'Alliance numérique aimerait que le gouvernement vienne en aide aux entreprises en démarrage en jeux vidéo. «Depuis deux ans, on voit l'émergence de plein de petites boîtes à propriété québécoise, dit Martin Carrier. Elles n'ont toutefois pas de fonds pour les aider. Il faudrait avoir des règles plus flexibles pour elles. On se concentre beaucoup sur les crédits d'impôt, mais c'est une autre façon d'aider l'industrie. Les multinationales ont créé un écosystème, il se développe maintenant des PME québécoises.»