Le magnat des médias Rupert Murdoch, qui ambitionnait de créer un nouveau géant de la télévision et du cinéma en achetant le groupe américain Time Warner pour 80 milliards de dollars, a annoncé mardi avoir retiré son offre faute d'avoir pu séduire sa cible.

L'offre avait été officialisée mi-juillet par la société rassemblant depuis l'an dernier les activités audiovisuelles du milliardaire américain d'origine australienne, 21st Century Fox.

«Notre proposition avait un grand intérêt stratégique et une logique financière convaincante, et notre approche a toujours été amicale», a affirmé M. Murdoch mardi dans un communiqué.

«Toutefois, la direction et le conseil d'administration de Time Warner ont refusé d'explorer avec nous une offre», et «la réaction de notre cours de Bourse depuis notre proposition sous-évalue notre titre et fait que la transaction n'est plus séduisante pour les actionnaires de Fox», ce qui «nous a conduit à retirer notre offre».

Cette annonce, qui intervient à la veille de la publication des résultats trimestriels des deux groupes, a immédiatement fait chuter le cours de Time Warner dans les échanges électroniques suivant la clôture de Wall Street. Le titre perdait 9,85% à 76,80 dollars vers 18h10.

Fox au contraire, sanctionnée en Bourse depuis l'officialisation de son intérêt pour Time Warner, rebondissait de 6,99% à 33,20 dollars.

Non catégorique 

Time Warner avait rejeté fermement les avances de Rupert Murdoch, et même adopté une «pilule empoisonnée» pour neutraliser d'éventuels actionnaires minoritaires favorables à l'offre de Fox.

Time Warner faisait valoir que le prix proposé était insuffisant, a fortiori étant donné que seule une petite partie devait être versée en numéraire, le reste étant payé avec des actions Fox non assorties de droits de vote.

Le groupe avait aussi évoqué des risques importants du point de vue des autorités de la concurrence.

Outre leurs nombreuses chaînes (HBO, CNN, TBS ou encore TNT chez Time Warner, les bouquets Fox et Sky côté Murdoch), les deux groupes ont chacun leurs studios de cinéma (Warner Bros. et 20th Century Fox). Ils affichent un chiffre d'affaires cumulé de 57,5 milliards de dollars et 144 milliards de dollars de valorisation boursière à eux deux au cours de clôture de mardi soir.

Les analystes estimaient que Rupert Murdoch était surtout intéressé par la chaîne à péage HBO et par la possibilité d'enrichir son catalogue de droits sportifs avec ceux importants détenus par Time Warner.

Selon une source proche du dossier, il envisageait pour éviter les problèmes de concurrence de revendre la chaîne d'informations en continu de Time Warner, CNN, qui rivalise actuellement avec sa propre chaîne Fox News.

6 milliards de rachats d'actions

Les analystes n'avaient pas non plus exclu que le milliardaire utilise dans cette opération l'argent frais que va lui rapporter la réorganisation de ses réseaux télévisés en Europe, où il vient d'annoncer la cession de ses parts dans Sky Italia et Sky Deutschland à la britannique BSkyB, où il détient une participation.

Fox a finalement décidé mardi de reverser des liquidités à ses actionnaires, par le biais de 6 milliards de dollars de rachats d'actions dans les douze prochains mois.

David Bank, analyste chez RBC Capital Markets, jugeait globalement la décision «positive» pour les deux groupes. «Dans le pire des cas, le conseil d'administration (de Time Warner) pourrait ouvrir des négociations avec Fox», a-t-il estimé dans une note.

Dans l'immédiat, Time Warner s'est contenté de réaffirmer dans un bref communiqué que le groupe était «bien positionné pour réussir» avec ses actifs actuels. Sa direction s'engage «à améliorer la valeur à long terme» du groupe et «à continuer à assurer des retours sur investissements importants et durables pour tous les actionnaires».