Au lendemain du scrutin du 7 avril dernier, l'ex-président de Québecor et nouveau député péquiste de Saint-Jérôme, Pierre Karl Péladeau, a effectué des transactions d'initié en titres au capital-actions du colosse médiatique dont il demeure l'actionnaire de contrôle.

Selon les registres de l'Autorité des marchés financiers (AMF), où tous les initiés (administrateurs, dirigeants et cadres) d'une entreprise doivent déclarer leurs transactions de titres de cette entreprise, M. Péladeau a exercé le 8 avril quatre lots d'options qu'il détenait chez Québecor, en tant qu'ex-président. Ces lots d'options concernaient l'obtention de 527 210 actions de Québecor à différents prix d'escompte prédéterminés.

Cette journée-là, en Bourse, les actions de Québecor se transigeaient autour de 26,55$. Par conséquent, c'est une valeur boursière de 14 millions de dollars en actions qui a été impliquée dans les transactions d'initié de M. Péladeau.

Et de cette valeur, le gain immédiat qu'il a encaissé s'est élevé à 4 millions de dollars, après la soustraction du coût de levée de chacun des quatre lots d'options (prix d'escompte convenu antérieurement avec Québecor).

La taille de ce lot d'actions et le gain qu'il a généré demeurent minimes en comparaison de l'avoir de quelque 950 millions en actions de Québecor qui sont détenues ou contrôlées par M. Péladeau.

Ces transactions sont survenues le lendemain de son élection comme député d'opposition.

Selon les registres de l'AMF, c'est le 11 avril, soit trois jours après les transactions d'initié de M. Péladeau, que Québecor a signifié officiellement le report soudain de six semaines de son assemblée des actionnaires, au 19 juin prochain. Cette assemblée était prévue d'abord pour le 8 mai, selon l'avis réglementaire qui avait été inscrit à cette fin par Québecor auprès de l'AMF en février dernier. Le PDG de Québecor Robert Dépatie a quitté son poste le 28 avril.

Les questions sur le motif et le moment de ces transactions d'initié de l'ex-président de Québecor lui ont été adressées hier par courriel et par l'entremise de proches conseillers. Elles étaient sans réponse précise en fin de journée, hier.

Commissaire à l'éthique

Par ailleurs, le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale doit signifier bientôt à M. Péladeau ce qu'il doit faire à titre de nouveau député avec la propriété de son bloc d'actions et de droits de vote majoritaire de cette grande entreprise de médias.

«Ce qui est prévu pour tous les députés, c'est qu'ils doivent éviter de se placer dans une situation de conflit d'intérêts», avait expliqué à La Presse le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, en début de semaine.

Pour les simples députés qui ne sont pas membres du gouvernement, l'article 18 du code d'éthique de l'Assemblée nationale indique que les actions à la Bourse d'un député pourraient être placées dans une fiducie sans droit de regard ou confiées à un «fiduciaire ou un mandataire indépendant».

Lorsqu'il a annoncé sa décision de se porter candidat pour le Parti québécois, M. Péladeau a indiqué qu'il donnerait comme consigne au responsable de son fonds en fiducie de ne pas vendre ses actions de Québecor.

Plus tard, il a précisé qu'il ne se départirait pas de ses actions de Québecor même si le commissaire le lui demandait.

Entre-temps, le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, le juge à la retraite Claude Bisson, avait souligné qu'un empire médiatique n'était pas une «entreprise de petits pois» et que des mesures particulières devraient être prises à l'égard du patron de presse et de sa capacité d'influencer les Québécois.