Le site d'informations Rue89 a changé de présentation vendredi et apparaît désormais sous le logo du Nouvel Observateur, sa maison-mère, avec la simple mention «Partenaire Rue89», conséquence des nouvelles règles de mesures d'audience de Médiamétrie.

La direction du site a tenu à rassurer sur son indépendance, mais la rédaction a réagi avec colère à ces changements, qui pour elle «détruisent l'identité du site».

Médiamétrie, dont les mesures font référence, en particulier parmi les annonceurs, a en effet indiqué qu'à compter de décembre, il ne cumulerait plus les chiffres d'audience de sites distincts, même appartenant à un même groupe, à moins qu'ils apparaissent clairement aux yeux de l'internaute comme des déclinaisons du site principal. Et ce pour améliorer la mesure globale de l'internet sur tous supports (fixes et mobiles).

Jusqu'ici les audiences des groupes, notamment dans les médias, cumulent des sites qui n'ont pas grand chose à voir, sauf leur propriétaire, une pratique baptisée «co-branding» : l'audience du Monde, par exemple, incluait celle du site du Huffington Post, sa filiale, ainsi que celle du site de conseil en jardinage aujardin.org et du site de Courrier International, tous filiales du groupe Le Monde.

L'audience du site du Figaro incluait celle des sites Sport24 et Evene, les chiffres du Parisien incluaient un site de cartes et un site de cuisine, les chiffres de L'Express incluent ceux de L'Expansion et de L'Étudiant.

Dans le cas du Nouvel Observateur, sa mesure d'audience comprend celle de Rue89 et de Challenges. Rue89 lui apporte plus du quart de son audience: en octobre, sur les 8,5 millions de visiteurs uniques du groupe Nouvel Observateur, Rue89 en représentait 2,4 millions, selon Médiamétrie.

La plupart des sites filiales de groupes affichent le logo de leur maison mère, même s'il est généralement moins visible que pour le nouveau design de Rue89.

Dans un billet sur le site, les fondateurs de Rue89 expliquent que ce changement «ne (les) enchante pas» et réaffirment que leur site conserve toute son indépendance par rapport au Nouvel Observateur, qui l'a racheté il y a deux ans.

Au vu des nouvelles règles visuelles de Médiamétrie, «le Nouvel Observateur a considéré qu'il ne pouvait pas se passer de notre audience, qui, cumulée à la sienne, permet au groupe de se hisser dans la tête du classement des acteurs de l'information numérique en France», écrivent Damien Cirotteau, Pierre Haski, Laurent Mauriac et Pascal Riché.

Mais «notre actionnaire nous a renouvelé son engagement de respecter notre totale indépendance rédactionnelle». «Nous savons bien qu'une partie de nos riverains déplorera ce changement : nous le déplorons nous aussi». «Le Nouvel Observateur lui-même aurait préféré rester dans la configuration précédente. Nous savons cependant que notre travail ne sera pas jugé à la taille d'un logo», concluent-ils.

La rédaction a elle tenu à protester publiquement, dans un texte publié sur le site. «Voilà trois jours que l'ensemble de Rue89 est engagé dans un bras de fer avec la direction du groupe. Jeudi soir, notre directoire (Pierre Haski, Laurent Mauriac, Pascal Riché et Damien Cirotteau) a finalement choisi d'accepter les conditions imposées par Le Nouvel Observateur. Nous regrettons cette décision, car elle sacrifie notre Rue».

Pour eux, «ces choix détruisent de fait l'identité de Rue89». Cette annonce constitue une étape supplémentaire dans la normalisation et l'intégration forcée de Rue89 à L'Obs».

Depuis le rachat par le Nouvel Obs, «la liberté éditoriale a toujours été respectée. Mais ces derniers mois, nos conditions de travail n'ont cessé de se dégrader et les mauvaises nouvelles, de se succéder», poursuivent-ils, évoquant «les difficultés que rencontrent actuellement le groupe Le Nouvel Observateur et Rue89».

En septembre la direction du Nouvel Observateur avait expliqué que ses titres papiers étaient bénéficiaires, mais pas le numérique, autrement dit Rue89.