L'endettement des ménages canadiens n'a jamais été aussi élevé, a alerté mercredi le Fonds monétaire international, une situation qui ne devrait pas s'inverser dans l'immédiat avec des taux d'intérêt à un niveau historiquement bas.

L'inflation réduite et les risques toujours latents sur la croissance économique laissent de la marge pour une politique monétaire canadienne accommodante, selon le rapport de l'institution économique sur la situation économique au Canada.

La Banque du Canada peut se permettre de maintenir encore quelque temps son taux directeur à 1%, son niveau depuis septembre 2010, avant tout resserrement qui présenterait l'avantage de tourner les ménages vers plus d'épargne.

Les autorités canadiennes devraient en parallèle alléger leur système d'assurance hypothécaire afin de réallouer les ressources vers le système productif, et en ce sens la décision récente de limiter cette assurance sur les prêts à très long terme va dans le bon sens, estime le FMI.

La croissance économique canadienne devrait être de 2,25% l'an prochain, soit pratiquement en ligne avec les hypothèses du gouvernement (+2,3%) grâce à la croissance américaine qui devrait stimuler les exportations canadiennes.

La demande finale en hausse comme le taux d'utilisation des capacités de production devraient profiter aux investissements des entreprises, pronostique le Fonds.

Les investissements dans le secteur pétrolier devraient aussi progresser avec la construction d'oléoducs et de capacités de raffinage.

Tous ces facteurs favorables à la croissance économique viendront compenser le ralentissement attendu dans l'immobilier résidentiel accompagné d'une baisse des prix des logements.

Pour revenir sur le secteur pétrolier, il existe autant de risques que d'espoirs pour les perspectives économiques du Canada. Côté positif, le FMI voit une assurance que les exportations de pétrole brut vont continuer à augmenter à moyen terme grâce à la poursuite des investissements dans les oléoducs et une demande américaine toujours soutenue. À l'inverse, une hausse de la production de pétrole non conventionnel aux Etats-Unis et des retards dans les infrastructures de transport au Canada pourraient peser sur les prix du pétrole et ralentir les exportations avec au final une croissance économique plus faible.

Ainsi, le FMI recommande aux autorités fédérales et provinciales, en particulier aux territoires riches en énergie, de «changer leurs cadres fiscaux afin de mieux gérer la volatilité associée aux prix des matières premières» et donc pérenniser les revenus découlant de l'exploitation pétrolière et gazière.

Le Canada possède en effet les troisièmes réserves mondiales de pétrole, en Alberta. L'institution de Washington souligne d'ailleurs que les récentes modifications de la politique fiscale de cette province sont «un pas dans la bonne direction».

Ottawa devrait mettre fin à l'assurance hypothécaire de la SCHL

Ottawa devrait envisager de mettre fin progressivement à l'assurance hypothécaire résidentielle offerte par l'entremise de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), a estimé mercredi le Fonds monétaire international (FMI).

Cette recommandation est comprise dans le plus récent rapport du FMI sur la situation économique du Canada, qui prédit une modeste croissance de 2,25% pour le pays l'an prochain.

Elle s'inscrit dans la ligne de pensée du ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, qui a récemment soulevé un doute quant à la pertinence, pour le gouvernement fédéral, d'être impliqué dans le marché de l'assurance hypothécaire résidentielle à risque.

Certains analystes jugent que ce système a permis au marché immobilier canadien de survivre à la crise financière de 2008-2009 - laquelle a été provoquée, de l'avis de plusieurs, par la crise du marché hypothécaire aux États-Unis.

Le FMI reconnaît que le système actuellement en vigueur au Canada comporte certains avantages et qu'il permet une certaine stabilité.

Cependant, il expose également le gouvernement, ou les contribuables, aux risques du système financier et pourrait fausser l'allocation des ressources en faveur des hypothèques et au détriment d'usages plus productifs du capital, affirme l'organisation internationale.

«Nous croyons que les banques prêtent trop dans les hypothèques et pas assez aux petites et moyennes entreprises», a déclaré mercredi le chef de mission du FMI pour le Canada, Roberto Cardarelli, en présence de reporters à Toronto.

La recommandation du FMI est appropriée pour les États-Unis, en particulier avant la crise, mais pas nécessairement pour le Canada, où le marché de la titrisation hypothécaire représente une part relativement petite de la tarte financière, a de son côté affirmé Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la Banque CIBC.

Dans son rapport, rendu public mercredi matin, le FMI estime par ailleurs que des mesures supplémentaires devraient être envisagées pour «encourager une rétention appropriée de la part du secteur privé et accroître la part de marché des assureurs privés».

L'organisme prévient cependant que tout changement structurel doit se faire progressivement afin d'éviter toute conséquence non voulue sur la stabilité financière.

Le FMI prévoit que l'économie canadienne dans son ensemble commencera à tirer profit l'an prochain de la reprise de l'économie des États-Unis, qui mènera à une demande accrue d'exportations canadiennes et à de nouveaux investissements des entreprises.

Essentiellement, le scénario du FMI est identique à celui avancé par le Conference Board du Canada, qui prévoit que le produit intérieur brut réel du Canada connaîtra une croissance de 1,8% cette année, par rapport à 2012. Le groupe de réflexion d'Ottawa s'attend également à ce que la croissance économique canadienne accélère à 2,4% en 2014 et à 2,6% en 2015.

Le FMI prévient cependant qu'il pourrait avoir tort quant au redressement de l'économie américaine en 2014.

«Une nouvelle impasse politique (aux États-Unis) concernant les dépenses et le plafonnement de la dette, ainsi qu'une hausse plus rapide que prévu des taux à long terme dans le contexte de l'abandon de l'assouplissement quantitatif pourraient peser sur la reprise américaine et donc sur la demande d'exportations canadiennes», a-t-il écrit dans son rapport.

- Julian Beltrame, LA PRESSE CANADIENNE