Les marchés financiers ont très mal réagi, la semaine dernière, à la publication d'indicateurs économiques américains plutôt encourageants: augmentation des ventes des détaillants, des mises en chantier, des permis de bâtir, des prix à la consommation, de la confiance et de l'indice de confiance des PME, jumelée à une diminution des demandes initiales d'assurance chômage qui faisait suite à la baisse du taux de chômage publiée la semaine précédente.

Tout cela ne signifie-t-il pas qu'augmente la probabilité que la Réserve fédérale (Fed) commence à ralentir le rythme de sa planche à billets dès septembre?

Bien sûr que si, n'en déplaise aux spéculateurs qui carburent au crédit facile. Si l'économie réelle se porte un peu mieux, on ne peut que s'en réjouir.

Cette situation met surtout en relief combien il devient difficile pour les banquiers centraux de communiquer leurs intentions clairement et de manière transparente.

En mai, le président de la Réserve fédérale, Ben S. Bernanke, avait évoqué une première fois que la troisième ronde de détente quantitative (DQ3) annoncée en décembre n'était pas éternelle. Le 19 juin, en conférence de presse, il avait évoqué un scénario selon lequel la Fed pourrait ralentir dès l'automne le rythme de ses achats mensuels de 85 milliards US en obligations du Trésor américain et en titres adossés à des créances hypothécaires, ce qu'on appelle la DQ3, et que celle-ci pourrait être terminée l'été prochain.

Beaucoup y ont vu un resserrement monétaire imminent, ce qui n'est pas du tout le cas. Il s'agit plutôt d'une augmentation moins rapide de la DQ3.

Le taux directeur, qui évolue dans une fourchette de 0 à 0,25% depuis décembre 2008, restera en place au moins tant et aussi longtemps que le taux de chômage ne se stabilisera pas à au plus 6,5%, à moins que les perspectives d'inflation ne dépassent les 2,5% sur un horizon de 12 à 18 mois.

Le taux de chômage était de 7,4% en juillet, tandis que l'augmentation annuelle du coût de la vie était de 2,0% en juin.

Même si la Fed a le double mandat d'assurer la stabilité des prix et de maximiser l'emploi, on peut s'étonner qu'elle ait retenu le taux de chômage comme baromètre du marché du travail.

Le taux de chômage, défini comme le nombre de personnes cherchant activement un emploi ou mises à pied pour un temps défini en proportion des gens qui détiennent ou cherchent activement un emploi, n'est pas un bon indicateur de la santé du marché du travail.

Le taux d'emploi, défini comme le nombre de personnes qui travaillent parmi la population active, ou le taux d'activité, qui correspond à la proportion des gens âgés de 15 ans et plus (16 ans aux États-Unis) qui détiennent un emploi, sont de bien meilleurs indicateurs.

Comparons les taux de participation, d'emploi et de chômage du Québec et des États-Unis pour mieux comprendre.

On a déploré, avec raison, la détérioration du marché du travail au Québec cette année et on salue l'amélioration de celui des États-Unis. Après tout, le taux de chômage n'est-il pas passé de 7,9% à 8,2% chez nous, de juin à juillet, alors qu'il a reculé de 2 dixièmes, à 7,4%, chez nos voisins?

À y regarder de plus près, on constate plutôt que le marché du travail américain demeure plus mal en point que celui du Québec, bien que la détérioration de ce dernier ait de quoi inquiéter.

Chez nos voisins, le taux d'activité n'est que de 63,4% et le taux d'emploi, de 58,7%. Les taux respectifs du Québec sont de 65,1% et 59,8%.

Bref, le taux de chômage plus faible des États-Unis reflète surtout un nombre plus élevé de décrocheurs de la population active, ce qui peut difficilement être compris comme un signe de santé.

Voilà pourquoi on ne doit pas s'attendre à ce que la Banque du Canada se fixe une cible de chômage avant de commencer à normaliser son taux.

La nouvelle formule concoctée par Stephen Poloz paraît beaucoup moins sujette à confusion. La revoici pour mémoire: «Tant que l'économie canadienne affichera une marge importante de capacités inutilisées, que les perspectives en matière d'inflation resteront faibles et que l'évolution des déséquilibres dans le secteur des ménages continuera d'être constructive, la détente monétaire considérable en place actuellement demeurera appropriée.»