Si la création de richesse est un prérequis à l'augmentation des revenus, elle n'en est pas garante pour autant, comme en fait foi l'appauvrissement de la classe moyenne aux États-Unis, depuis 30 ans.

L'effort concerté et collectif pour augmenter le taux de participation au marché du travail et maintenir la progressivité du régime fiscal paraît un bien meilleur gage de succès. C'est aussi la seule voie possible pour assurer la pérennité des programmes sociaux.

Voilà en tout cas des constats importants qui se dégagent des travaux d'une vingtaine d'économistes publiés dans Le Québec économique 2012 - Le point sur le revenu des Québécois, lancé ce soir.

Le taux d'activité de la population âgée de 16 ans et plus devrait diminuer à cause du vieillissement de la population. L'augmentation des diplômes postsecondaires et du nombre d'immigrants qualifiés peut palier en partie cette fatalité démographique.

Attirer davantage de gens inactifs sur le marché du travail reste le meilleur moyen d'augmenter la richesse collective tout en faisant reculer la population à faibles revenus.

La forte augmentation du taux d'emploi chez les femmes depuis une trentaine d'années en est le meilleur exemple. Elles sont désormais moins nombreuses que les hommes parmi les plus démunis. Leur taux de scolarité est maintenant plus élevé. Si leur revenu d'emploi reste inférieur à celui des hommes, c'est qu'elles sont plus nombreuses à travailler à temps partiel.

«De manière générale, les femmes semblent légèrement moins pauvres que les hommes», constate Dorothée Boccanfuso qui ajoute que «la participation des femmes au marché du travail est un facteur important de lutte contre la pauvreté».

Conciliation travail-famille

Si le Québec a réussi à augmenter le taux d'emploi des femmes, désormais plus élevé que celui des Ontariennes, c'est beaucoup grâce à ses efforts de conciliation travail-famille par des programmes comme les garderies subventionnées ou l'assurance parentale.

Ce succès ne doit pas l'éblouir. Plus qu'ailleurs au Canada, l'écart se creuse entre les revenus des travailleurs natifs et immigrants. Brahim Boudarbat et Thomas Lemieux creusent ce triste constat. Ils font observer que l'expérience et les diplômes acquis dans le pays d'origine, surtout lorsqu'il s'agit d'États africains ou extrême-orientaux, sont peu ou pas reconnus. Ils recommandent donc de prioriser l'immigration des jeunes qui pourront être formés ici tout en facilitant la mise en valeur des compétences étrangères des immigrants.

Réinsertion des assistés sociaux

La participation accrue au marché du travail consiste aussi à favoriser la réinsertion des assistés sociaux. C'est d'autant plus difficile que 15% des gens à faibles revenus détiennent pourtant un emploi d'au moins 30 heures par semaine. Le parcours de ces quelque 60 000 personnes paraît mal compris bien qu'on observe qu'il s'agisse d'une situation transitoire pour un bon nombre.

L'analyse du programme Action Emploi fait néanmoins ressortir clairement que les subventions salariales bien ciblées restent un puissant outil de réinsertion sociale.

À l'autre bout de l'échelle des revenus, plusieurs chercheurs se sont penchés sur le phénomène du 1% les plus nantis, une cohorte de 275 000 Canadiens. Premier constat, ils ne sont pas tous chefs d'entreprises ou membres de l'élite financière. La majorité sont médecins, dentistes, vétérinaires, des professions respectées par l'ensemble des citoyens.

Ils attribuent en partie l'augmentation de la part de richesses de ce 1% à l'omniprésence de l'ordinateur dans la production qui a considérablement diminué la valeur du travail de la classe moyenne dans beaucoup de sphères d'activité. «Les politiques qui visent la croissance, comme les incitatifs aux échanges commerciaux et l'accroissement des investissements en haute technologie, jettent peut-être les bases de la réussite économique des générations futures, écrivent-ils. Ces politiques pourraient avoir pour conséquence d'exacerber l'inégalité.»

Fiscalité

Sur la même lancée, d'autres chercheurs ont étudié la progressivité de la fiscalité québécoise. Ils observent que la contribution fiscale est en général proportionnelle au revenu: les ménages québécois payent en moyenne 37% de leur revenu global en taxes et impôts. Les écarts allant de 32% à 40% selon le décile de revenus.

Pouya Ebrahimi et François Vaillancourt font toutefois une observation susceptible de faire jaser: «Les taux effectifs pour le total des taxes et impôts indiquent que les ménages dans le dernier 1% du revenu monétaire paient en moyenne moins d'impôts et de taxes que l'ensemble des ménages au Québec.»

Comme pour ses précédentes éditions, l'ouvrage comporte 50 fiches thématiques pour mieux comprendre toutes les facettes de l'économie québécoise.

Le Québec économique 2012 - Le point sur le revenu des Québécois. Collectif sous la direction de Marcelin Joanis, Luc Godbout et Jean-Yves Duclos. CIRANO et PUL. 581 pages