La croissance mondiale ralentit et celle de l'économie canadienne n'y échappe pas, comme en font foi les ventes des détaillants, en net repli depuis le début de l'année.

«Notre économie ne peut [...] pas compter indéfiniment sur les dépenses des ménages alimentées par l'endettement, en particulier dans un contexte de faible progression des revenus», a indiqué jeudi le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, en conclusion d'un discours prononcé à Halifax et portant avant tout sur la réforme en cours du système financier mondial.

La valeur des ventes des détaillants a reculé en avril pour le troisième mois cette année.

Le repli de 0,5% efface complètement le gain de mars, a indiqué jeudi Statistique Canada. En volume, la chute est plus grande encore (0,8%), alors que les prévisionnistes avaient tablé sur un gain modeste.

Le repli reflète l'essoufflement des ménages et la prise de conscience que leur endettement record menace leur bilan. Ce, en dépit d'une très forte création d'emplois en mars et en avril.

Dans la conférence de presse qui a suivi son allocution, M. Carney a reconnu que la Banque pourrait réduire de quelques dixièmes de point son pronostic de croissance pour l'économie canadienne, estimée à 2,4% en avril.

L'expansion limitée à 1,9%, sur une base annualisée, au premier trimestre justifie à elle seule cette révision. La Banque avait aussi estimé à 2,5% la croissance annualisée entre avril et juin, ce qui paraît élevé à la lumière des données jusqu'ici disponibles.

Hier, le Mouvement Desjardins a révisé ses perspectives globales de croissance, mais maintenu que l'économie canadienne progresserait de 2,1% cette année. La veille, CIBC y allait du même pronostic.

Pour le Québec, Desjardins est moins optimiste encore: l'expansion sera limitée à 1,4% seulement. Les ventes des détaillants ont aussi reculé de 0,5% en avril, mais elles s'étaient aussi repliées en mars, alors que le printemps hâtif avait stimulé la fréquentation des magasins ailleurs au pays.

À supposer que les volumes des ventes aient stagné en mai et juin, le résultat trimestriel serait inférieur de 3,1% en rythme annualisé à ceux de l'hiver.

On saura la semaine prochaine la variation de la taille de l'économie en avril. En mars, elle avait gagné à peine 0,1%, une situation qui risque de s'être répétée.

Heureusement, les prix à la pompe se sont repliés, en mai et en juin, ce qui peut avoir ranimé le goût de fréquenter les magasins. C'est toutefois avec parcimonie que les Canadiens dépensent, désormais.

En avril, le repli des ventes des détaillants était généralisé. On ne peut l'attribuer uniquement à un ressac après les devancements d'achats en mars motivés par le temps doux: on observe une baisse de 0,6% du total des ventes en excluant le secteur automobile.

Même les magasins d'alimentation ont vu leur chiffre d'affaires diminuer. Il stagne depuis un an et demi, malgré l'augmentation de la population et des prix de la nourriture.

«Les Canadiens ne se sont pas mis au régime, explique Emanuella Enenajor, économiste à la CIBC. Ce recul reflète plutôt l'emprise grandissante des magasins entrepôts dont les ventes sont en hausse annuelle de 5,6%.»

C'est un autre signe que les consommateurs comptent avant de sortir leur portefeuille ou leur carte de crédit.

La croissance canadienne ne pourra plus reposer au cours des prochains trimestres sur les dépenses des ménages qui avaient représenté la locomotive de la reprise. Depuis six mois, les ventes des détaillants ont avancé d'à peine 0,2%.

«L'économie canadienne continue de croître à un rythme correspondant à l'absorption graduelle de la faible marge de capacités inutilisées restante», a précisé M. Carney.

Elle devra compter sur des investissements soutenus, surtout dans le secteur des ressources, mais cela pourrait ralentir au même rythme que la croissance mondiale qui fait reculer les prix des biens de base.

Les débouchés pour les biens industriels et de consommation canadiens sont moins nombreux, avec le ralentissement des économies émergentes, l'expansion molle de l'économie américaine et les difficultés de l'Europe.

«À l'heure actuelle, l'Europe stagne, a rappelé M. Carney. Son produit intérieur brut (PIB) est toujours inférieur de plus de 2% au sommet qu'il avait atteint avant la crise, et la demande intérieure privée est inférieure de 6%, ce qui est stupéfiant.»

Rien en somme pour stimuler nos exportations...