On pensait que seul le Québec avait des finances publiques mal en point. Mais les Ontariens sont aussi de plus en plus inquiets des difficultés budgétaires de Queen's Park. Et pour cause!

L'Ontario a été la dernière province à adopter son budget la semaine dernière. En 2012-2013, son déficit s'élèvera à 14,8 milliards, soit presque autant qu'en 2011-2012. Un retour à l'équilibre est envisagé dans cinq ans seulement, si tout va bien, après neuf déficits consécutifs. Le Plan budgétaire présenté s'arrête toutefois en 2014-2015, ce qui fait dire à certains que le gouvernement ontarien a perdu la maîtrise de ses finances.

L'adoption du budget 2012-2013 a nécessité un mois de négociations entre les libéraux minoritaires et le Nouveau Parti démocratique. Ce dernier a obtenu un impôt spécial pour ces quelque 23 000 pauvres nantis dont le revenu imposable excède 500 000$. La ponction, qui sera en vigueur jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire, rapportera près d'un demi-milliard par année au Trésor, dès 2013.

Malgré des perspectives de revenus accrus, les agences de notation ont manifesté leur mécontentement devant les nombreuses questions sur le retour à l'équilibre, laissées sans réponse.

En reconduisant sa note AA-, Standard & Poor's a abaissé sa perspective de stable à négative, tout comme l'agence Fitch. S & P juge à une chance sur trois la probabilité d'une décote d'ici deux ans, si le poids de la dette devait continuer d'augmenter beaucoup plus vite que les rentrées fiscales.

En pareil cas, l'Ontario aurait la même note que le Québec, soit A", avec perspective stable.

Moody's a pour sa part ramené la note de crédit de la province, de Aa1, avec perspective négative, à Aa2, avec perspective stable. L'Ontario rejoint ainsi le Québec et les provinces atlantiques.

«Depuis 2009, trois grandes agences [DBRS, S & P et Moody's] ont abaissé la note de la province à cause de ses déficits répétés, du poids croissant de sa dette et de ses efforts de réduction du déficit», ont rappelé dans une note à la clientèle Craig Alexander et Sonya Gulati, économistes chez TD.

La cote du Québec est stable depuis 2002.

Les analyses de Moody's ont, certes, moins d'influence que celles de S & P sur les prêteurs canadiens chez qui l'Ontario emprunte surtout. En revanche, elles sont bien étudiées par les investisseurs étrangers chez qui l'Ontario s'abreuve en capitaux davantage que le Québec, rappelle Jean-François Godin, vice-président recherches chez Valeurs mobilières Desjardins.

Les coûts d'emprunt à l'étranger pourraient donc augmenter, ce qui est certainement une mauvaise nouvelle. L'Ontario doit emprunter quelque 35 milliards en 2012 et 40 milliards environ en 2013. En comparaison, les besoins du Québec s'élèvent à 14,9 et 17,7 milliards.

Une détérioration rapide

Le service de la dette de l'Ontario accapare présentement 9,5 cents pour chaque dollar de recette fiscale de la province. Dans quelques années, on dépassera les 11 cents, selon les projections budgétaires en place. «Ce pourrait être plus, si les marchés exigent davantage à la lumière des analyses des agences», préviennent les économistes de TD.

Au Québec, on est déjà à 11,8 cents pour l'année en cours. L'an prochain, le service de la dette devrait grimper à 12,2 cents, avant de diminuer doucement par la suite. Dans les années 1990, il avait dépassé les 16% des recettes fiscales.

Force est de constater toutefois que la ponction fiscale est moins grande en Ontario qu'au Québec. Par exemple, la taxe provinciale de vente est de 9,5% au Québec contre 8% en Ontario.

À première vue, il peut s'agir d'un espace fiscal à exploiter. Queen's Park va sûrement y penser deux fois, compte tenu de la plus grande propension des Ontariens à traverser la frontière pour magasiner.

En outre, le rapport de la Commission de réforme des services publics de l'Ontario, présidée par l'économiste Don Drummond, a formulé en février dernier 362 recommandations pour atteindre l'équilibre fiscal sans accroître le fardeau des contribuables.

L'objectif est de limiter la croissance des dépenses de la province à 0,7% par année, pendant cinq ans, ce qui n'a jamais été fait, même à l'époque de la soi-disant révolution du bon sens de Mike Harris. Faute d'atteindre cet objectif, le déficit ne sera pas résorbé en 2017-2018.

«Le risque que court l'Ontario en reportant les restrictions budgétaires est que la croissance du service de la dette va exercer encore plus de pression sur les dépenses de programme et sur la croissance dans l'avenir», ont fait observer Avery Shenfeld et Warren Lovely, économistes chez CIBC.